Carte n° 52510: L’imparfait des verbes en -are à radical non palatalisant: la 2e personne du pluriel (2pl)
Corpus
La carte n° 52510 s’appuie essentiellement sur les données obtenues par l’énoncé «Qu’est-ce que vous achetiez au marché, d’habitude?» du questionnaire commun aux deux sexes (33 réponses utilisables). À cela, nous avons ajouté les formes de la 2pl d’«aller» qui apparaissent assez souvent dans des reformulations de ce même énoncé «Qu’est-ce que vous achetiez quand vous alliez au marché?» – à l’imparfait, «aller» se comporte en général comme un verbe régulier de la conjugaison 1A à radical non plalatalisant – ainsi que quelques attestations supplémentaires (12 occurrences). Seuls les parlers de Lens et de Lourtier ne sont pas attestés.
Relevés antérieurs
La 2pl de l’imparfait des verbes de la 1re conjugaison n’est pas documentée dans les enquêtes géolinguistiques antérieures à la nôtre (ALF, TP).
Cartographie, analyse
• morphologie de l’imparfait
Les morphèmes de l’imparfait de la conjugaison 1A sont très semblables à la 1re et à la 2e personne du pluriel (cf. la carte n° 52410). Ne pâtissant pas de substitutions comparables à celles de «nous» par «on», la carte n° 52510 fournit des informations qui manquent à la 1pl pour les parlers du Chablais et de la Haute-Savoie.
(1) Avec leur morphème [av], [aʋ] [aw], [ɑv], les parlers occidentaux (sans Sixt, mais avec Orsières et en partie Chamoson) et, partiellement, deux parlers de la frange orientale (Miège et St-Jean), présentent les formes francoprovençales «canoniques» de l’imparfait des verbes issus de la 1re conjugaison latine en -āre à radical non palatalisant (conjugaison 1A). Ils conservent le [v, ʋ, w] correspondant au -b-intervocalique et le timbre [a, ɑ] de la désinence latine (‑ābātis). Seul le parler de Torgnon, comme d’habitude, a adopté une désinence analogique en [iv] provenant de la conjugaison 1B (cf. la carte n° 52520). Toutes les formes en [v] portent l’accent tonique sur le morphème de l’imparfait.
(2) Dans une des formes de Troistorrents ([ɐtsetˈaæ]), le [v] intervocalique s’est amuï, mais l’accent tonique reste sur la voyelle du morphème de l’imparfait.
(3) Savièse présente des formes analogiques issues de la conjugaison 1B (cf. la carte n° 52520) dans lesquelles le [v] intervocalique s’est également amuï, mais qui conservent l’accent tonique sur la voyelle du morphème de l’imparfait.
(4) Sixt et Bionaz utilisent des formes analogiques en [iˈa, ja] dans lesquelles l’accent tonique tombe sur la désinence, le [i/j] faisant office de morphème de l’imparfait. Dans la forme [aʎ'a] de Sixt, ce [j] a palatalisé le [l] du radical d’[alˈe] qui le précédait, et s’est confondu avec celui-ci (pour les formes correspondantes de la 2pl du présent d’«aller» à Sixt, sans [j], cf. la carte n° 51535).
(5) Huit parlers situés au centre du domaine (Arbaz, Conthey, Chamoson, Fully sur la rive droite du Rhône, Chalais, Hérémence, Nendaz, Isérables sur la rive gauche) attestent la propagation analogique du morphème inchoatif [(ə)s] ou [(ə)ʃ]. Dans nos matériaux, de toutes les cartes consacrées à l’imparfait où ce morphème apparaît (52410, 52420, 52430, 52442, 52445, 52510, 52520), c’est ici qu’il montre sa plus grande étendue géolinguistique. Dans toutes les formes concernés, le morphème [(ə)s]/[(ə)ʃ] est atone; l’accent tonique tombe sur la désinence.
(6) À Évolène, Liddes et Montana, les formes en [i] tonique ne montrent aucun morphème spécifique de l’imparfait. Pour la forme de la désinence, voir ci-dessous.
(7) À Miège et à St-Jean, «aller» est traité comme un verbe irrégulier dont la désinence ne coïncide pas avec celle d’«acheter». La forme recueillie à Miège montre le morphème [it] caractéristique pour de nombreux verbes, dans ce parler, à la 1re et la 2e personne du pluriel (cf. les cartes 52410, 52430, 52442, 52445, 52520, etc.). La deuxième occurrence du verbe, dans le même énoncé ([al'av]), fait l’objet d’une auto-correction.
• désinences
– Les formes caractérisées par le morphème de l’imparfait [ˈav], etc. possèdent en principe une désinence atone [a, æ], [e, ɛ, ɛi] ou [ə]; celle-ci peut cependant s’amuïr complètement (cf. les formes de Miège, St-Jean, Vouvry et La Chapelle-d’Abondance).
– Le morphème [(ə)s]/[(ə)ʃ] est suivi le plus souvent d’une désinence en [ˈi] tonique (une seule attestation pour [ˈe] à Nendaz, pour [ˈɑ] à Chalais).
– Les formes sans morphème spécifique de l’imparfait possèdent une désinence en [ˈi] tonique qui permet de distinguer la 2pl de l’imparfait de celle du présent qui est en [ˈa, ˈɑ] (cf. les cartes n° 51510 et 51514). Une comparaison avec les formes enregistrées à la carte n° 52530 (imparfait 2pl de «tenir») permet de penser qu’elles sont d’origine analogique (< verbes issus des conjugaisons latines autres qu’en -are), mais que le morphème de l’imparfait [j] a été résorbé par la désinence.
Verbes en -āre à radical non palatalisant: la 2e personne du pluriel
- morphème de l’imparfait
[av], [aw], [ɑv]
[iv]
[a]
[ɛ]
[i]
[əs], [əʃ], [iʃ]
[it]
[i, j, (ʎ)] (atone, semi-voyelle)
- désinence:
[i]
[e]
[ɛɪ]
[ə]
[æ]
[a, ɑ]
désinence amuïe
désigne la syllabe accentuée
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Verbes en -āre à radical non palatalisant: «acheter», 2e personne pluriel de l’indicatif imparfait