Carte n° 51151: Verbes irréguliers: «aller», 1^re personne singulier de l’indicatif présent. (2) Le marquage de la personne grammaticale

⇒ Pour les généralités s’appliquant à toutes les cartes consacrées à la morphologie de la 1^re personne singulier de l’indicatif présent (n° 51110 à 51190), voir la fin du commentaire.

Corpus

La carte a été établie sur la base de tous les énoncés du corpus qui contiennent la forme «je vais», 172 occurrences en tout. Les réponses les plus systématiques proviennent des phrases «Je vais à la montagne (à l’alpage)», «Je vais tout de suite aller à la cave» et «Je vais lui tordre le cou».

Cartographie

La carte n° 51151 est à lire comme complément de la carte n° 51050. Elle se concentre sur la question des marques morphologiques qui peuvent s’ajouter au radical (clitique sujet, désinence vocalique ou tous les deux). Dans la carte et dans le tableau statistique au bas de la page, nous distinguons les formes du verbe sans consonne finale du radical ( «base non marquée»; colonne de gauche du tableau) et avec ( «base marquée»; colonne de droite).

Examen

Comme pour les verbes «faire» (carte n° 51160) et «voir» (carte 51190), on distingue les formes dont le radical se termine en voyelle ([vi, vʏ, ve, vɛ, vɑ], 47 occurrences) et celles qui se terminent en consonne ([viʒ, veʒ, vɑʒ; vʏz, vez, vɑz], etc., 125 occurrences).

Dans la plupart des parlers étudiés, dès que plusieurs attestations sont disponibles, on voit apparaître une importante variation interne. Dans 19 parlers sur 25, différents types de marquage morphologique coexistent:

(1) emploi de la base verbale «pure» (sans clitique sujet ni désinence),
(2) emploi d’un clitique sujet,
(3) emploi d’une désinence,
(4) emploi simultané des deux marques morphologiques.

Dans nos matériaux, les quatre possibilités sont attestées à Isérables; trois possibilités se trouvent dans 7 parlers, deux possibilités dans 11 parlers. Il n’est pas exclu qu’un plus grand nombre d’attestations augmenterait encore ce taux de variation interne.

Quant aux 47 formes dont la base se termine en voyelle, sans consonne finale distinctive, 18 ne sont pourvues d’aucune marque morphologique spécifique malgré le danger de confusion homophonique avec les formes de la 3^e personne du singulier, souvent employées sans clitique sujet elles aussi (rappelons que la 2^e personne du singulier, en revanche, est marquée par l’emploi systématique du clitique sujet «tu»). 29 occurrences possèdent un clitique sujet; aucune ne possède de désinence vocalique supplémentaire qui pourrait l'identifier comme forme de la 1^re personne du singulier.

Théoriquement, toutes les formes dont le radical se termine en [z] ou en [ʒ] (125 occurrences sur 172 formes recensées; voir le tableau ci-dessous) sont suffisamment marquées par la consonne finale pour identifier morphologiquement la 1^re personne du singulier par rapport aux 2^e et 3^e personnes du singulier qui se terminent toujours en voyelle ([vi, ve, va], cf. carte n° 51350). Elles n’ont donc pas besoin d’un marquage morphologique supplémentaire, ce qui est effectivement le cas pour 25 occurrences.

Dans tous les autres cas, on observe une marque morphologique supplémentaire: clitique sujet dans 14 cas, désinence vocalique dans 70 cas, tous les deux dans 16 cas. Le contingent individuel le plus important parmi les différentes configurations examinées, c'est donc effectivement le cas considéré traditionnellement comme «canonique» pour les parlers valaisans (désinence vocalique, présence facultative du clitique sujet), mais dans nos matériaux, avec 86 attestations de la désinence vocalique, il n’apparait que dans 50% de toutes les occurrences.

Lorsque la désinence de la 1^re personne du singulier est exprimée (uniquement avec les formes en [z] ou en [ʒ]), elle est de la même nature que pour tous les autres verbes étudiés (cf. les cartes n° 51110, 51120, 51130 et 51141): voyelles postérieures [ʊ, o, , ɔ, ] (57 occurrences), voyelles antérieures [i, e] (5 occurrences), voyelles antérieures arrondies [ʏ, ø, œ, ə] (22 occurrences), [a, ɑ] (2 occurrences).

Généralités concernant toutes les formes verbales à la 1^re personne singulier de l’indicatif présent (cartes n° 51110 à 51190)

Dans les descriptions «classiques» du francoprovençal (cf. p.ex. Martin 1990: 682), la morphologie verbale est décrite comme étant caractérisée par la conservation de la désinence -o de la 1^re conjugaison latine à la 1^re personne singulier de l'indicatif présent (lat. canto > fp. [tsˈtɔ]), étendue ensuite à toutes les conjugaisons et à d’autres temps verbaux. La 1^re personne se distinguerait ainsi des 2^e et 3^e personnes du singulier selon le schéma «1^re pers. ≠ 2^e pers. = 3^e pers.». Pour un verbe irrégulier tel que «venir», la conjugaison «canonique» serait donc du type 1sg [vˈəɲɔ] ≠ 2sg [v] = 3sg [v] ‘je viens ≠ tu viens = il vient’. La forme caractéristique du verbe à la 1^re personne pourrait ainsi contribuer à expliquer la nature facultative du clitique sujet correspondant dans un grand nombre de parlers valaisans (cf. Marzys 1964: 22 et nos cartes n° 31021 et 31031). Dans nos matériaux, cette question est abordée pour le paradigme du verbe «voir» aux trois premières personnes du singulier (cartes n° 51190, 51220, 51320) ainsi que pour le paradigme du subjonctif présent (cartes n° 62110, 62210 et 62310).

Dans les parlers de notre réseau d’enquêtes, la situation réelle est cependant bien plus complexe, raison pour laquelle nous l’étudions ici pour huit verbes à la 1^re personne du singulier: trois verbes issus de la 1^re conjugaison latine en -are (cartes n° 51110, 51120, 51130), un verbe de la 4^e conjugaison latine en -īre (cartes n° 51140 et 51141) et huit verbes irréguliers (cartes n° 51150 à 51190). Nous y abordons d’une part la nature de la désinence qui n’est pas toujours [ɔ] (ou une voyelle vélaire proche de [ɔ]: [ʊ, , o, , ]). Relativement souvent, elle se centralise ou se palatalise en [ʏ, ø, œ, ə], voire même en [e, ɛ] ou s’amuït complètement. D’autre part, nous y examinons une éventuelle corrélation entre la nature de la désinence, la forme morphologiquement marquée ou non du radical verbal des verbes irréguliers et la présence du clitique sujet.

Pour garantir une bonne lisibilité des cartes, lorsque cela s’avère nécessaire, nous scindons l’information en deux et la présentons sur deux cartes, d’une part pour les formes du radical verbal, et d’autre part pour les formes de la désinence et l’emploi des clitiques sujets.