Carte n° 52602: Verbes en -āre à radical non palatalisant (conjugaison 1A): «acheter», 3^e personne pluriel (3pl) de l’indicatif imparfait

Corpus

La carte n° 52602 s’appuie surtout sur deux énoncés du questionnaire commun: «Mes parents n’achetaient pas le jambon. (On avait des cochons nous-mêmes)» et «Les gens s’achetaient les souliers chez le cordonnier». Les deux énoncés ont cependant fait l’objet de reformulations lorsqu’ils ne correspondaient pas au vécu de nos informateurs:

De même, l’emploi de «monde» ‘gens’ au singulier limite le nombre d’attestations utilisables pour le deuxième énoncé-type:

 mːd ɑtstˈɑ ɛ bɔt ẽtʃe ɔ kɔrdɔɲˈɛr - plytˈo ʏr ʏ kɔrdɔɲˈɛr k ʒ fɑbrikˈaːɛ
Les gens achetaient* les chaussures chez le cordonnier .. plutôt c’était le cordonnier que les fabriquait.
*accord grammatical avec monde (‘gens’) au singulier.

En revanche, plusieurs attestations supplémentaires ont été recueillies grâce à quelques reformulations, surtout dans deux énoncés du questionnaire commun dans lesquels la 3pl a été employée pour exprimer le sujet indéterminé «on»: «ils achetaient …» pour «on achetait». En tout, nous avons enregistré 89 occurrences de la forme voulue.

Relevés antérieurs

La 3pl de l’imparfait des verbes en -āre n’est pas documentée dans les enquêtes géolinguistiques antérieures à la nôtre (ALF, TP).

Cartographie, analyse

• morphologie de l’imparfait

– Une grande majorité des parlers enregistrés montre une morphologie francoprovençale «classique» pour un verbe de la conjugaison 1A (verbes à radical non palatalisant): dans 20 parlers, le seul morphème de l’imparfait est soit [av, æv, ɑv; aʋ, ɑʋ]  (avec quelques allomorphes quant au timbre de la voyelle et un début de relâchement articulatoire du [v] > [ʋ] > [ᶹ]), soit [a, ɑ, ɒ, ɔ] , après la chute du [v] intervocalique remontant au -b- de la désinence latine -ābant. Dans plusieurs parlers, les formes en [av] et en [a] coexistent, au-delà de la zone du Valais central qui connaît généralement la tendance d’amuïr le [v]: en contexte vélaire surtout (devant les désinences [] et []), le [v] s’efface facilement.

– À Lens, Nendaz et Vouvry, la chute du [v] peut être suivi de la contraction du morphème de l’imparfait avec la désinence de la 3pl [-, -aŋ, -am] ou [-]. Il en résulte des désinences monosyllabiques [ˈan, ˈaŋ, ˈam] à Lens, [ˈ] à Nendaz, à la place des désinences bisyllabiques [ˈa] et [ˈa] dans lesquelles c’est le morphème de l’imparfait qui porte l’accent.

– À Savièse, l’informatrice utilise une désinence analogique [jˈ] , correspondant à celle des conjugaisons latines autres qu’en -āre, avec bascule de l’accent sur la désinence (cf. des formes analogues aux cartes n° 52606 et 52632). Le témoin masculin produit une forme régulière en [ˈɑɔm] . Selon Bretz-Héritier 1996: 73s., cette alternance est fréquente à Savièse.

– À Lourtier, on observe une alternance comparable entre la forme régulière [ˈɑː] (et une variante dénasalisée [ˈɑɔ]) chez l’informatrice, et la désinence analogique [] chez l’informateur. Cette alternance a déjà été observée par Bjerrome 1957: 88 et 94-95.

– Le parler de Torgnon est le seul, dans nos matériaux, qui a généralisé des désinences analogiques en [iv, ɪʋ]  (avec la possibilité d’amuïr également le [v] intervocalique) issues de la conjugaison 1B (cf. la carte n° 52604). Une autre forme analogique en [ɛv] apparaît chez l’informatrice d’Isérables, alors que le locuteur masculin du même parler utilise les formes régulières en [av]/[a].

• désinences

Les désinences de la 3pl de l’imparfait sont de la même nature et montrent le même genre de variation que celles de la 3pl de l’indicatif présent (cf. la carte n° 51611), à l’exception des formes contractées qui portent l’accent tonique à Lens, Lourtier, Nendaz et Vouvry, mentionnées ci-dessus.