Carte n° 62310: «… qu’il/elle se lève». Morphologie et emploi du subjonctif présent, 3^e personne du singulier

Corpus

La carte n° 62310 a été établie sur la base des énoncés «Il faut que Pierre se lève à six heures et demie» et «Il faudrait que Madeleine se lève à sept heures moins le quart» du questionnaire commun aux femmes et aux hommes. Malgré les habituelles reformulations («Pierre doit se lever …», etc.), et des tournures au passé composé du subjonctif qui indiquent l’action achevée («Il faudrait que Pierre .. soit levé»), la forme verbale recherchée a été recueillie au moins une fois dans chaque point d’enquête à l’exception de St-Jean où les deux informateurs ont répondu à l’indicatif.

Analyse

1. Comme pour la 1^re personne du singulier (carte n° 62110), nos trois points d’enquête du Chablais (Vouvry, Troistorrents, Val-d’Illiez) utilisent des formes du type [ləvˈɑj, leʋˈɑjɛ] qui correspondent à un présent du subjonctif étymologique de la 1^re conjugaison, avec un [j] d’origine analogique comme morphème du subjonctif.

2. Tous les autres parlers étudiés utilisent des formes en [s] ou [ʃ] qui remontent au plus-que-parfait du subjonctif latin, mais expriment désormais le subjonctif sans indication temporelle (cf. la carte 63300).

• Les formes étymologiques attendues pour un verbe de la conjugaison 1A (formes en -[ˈɑs] : [ləvˈɑs], ou [ɛˈaʃ] avec chute de [l] et [v]) ne se trouvent qu’à Nendaz (où son emploi est constant), à Lourtier et à La Chapelle-d’Abondance.
• Partout ailleurs, on observe des désinences à voyelle tonique en -[es, eʃ; øs, øʃ] et surtout en -[is, iʃ, ʏs, ʏʃ], formes qui se sont propagées par analogie depuis les autres conjugaisons.
• À Sixt, le [s] étymologique devenu [h] ou [ɦ] (cf. les cartes n° 62110 et 62210) s’est ici amuï dans la réponse de l’informatrice. L’accent tonique sur la désinence [lɛvˈɛ] – qui s’oppose ainsi à l’indicatif [lˈɛvə] accentué sur le radical – montre cependant que celle-ci représente bien le subjonctif.
• La forme  [lɛviʃˈaʃ] de Chalais correspond au type analogique en -[iʃɑʃ, ʏʃɑʃ] qui est constant dans nos enregistrements de Chalais et de St-Jean. – Le morphème du subjonctif [iʃɑʃ] est déjà attesté dans les enquêtes de l’ALF (cf. la forme rv ‘reçoive’ du point 989 Vissoie de la carte ALF n° 1137, reproduite dans le commentaire de notre carte 33202).

3. Dans huit parlers, nous avons recueilli des réponses à l’indicatif , le plus souvent en alternance avec les formes du subjonctif. Nous pensons que ces formes indiquent que nos parlers ont gardé une certaine liberté de choisir le mode subjonctif ou indicatif après un verbe exprimant la volonté, selon le degré d’insistance sur le désir de réalisation du souhait.

4. Notons que morphologiquement, comme cela est attendu dans tous les parlers étudiés, les formes de la 2^e et de la 3^e personne du singulier ne se distinguent pas. Dans notre cas précis, l’identification de la personne grammaticale se fait de manière explicite par le sujet grammatical et le pronom réfléchi.