Généralités: l’expression de la possession en francoprovençal contemporain

Le francoprovençal exprime la possession

– au moyen d’une des trois différentes formes possessives qui coexistent:

– À cela s’ajoutent certaines structures concurrentes, en particulier l’emploi du pronom personnel tonique («moi, toi», etc.) précédé des prépositions à ou de, plus rarement aussi vers, comme com­plé­ment du nom ([ʎʏ vʏʒˈ a mɛ] ‘le voisin à moi’ = ‘mon voisin’, [lʏ pˈaʁɛ vɛʁ nøʊ] ‘le père vers nous’ = ‘notre père’), soit encore – fréquemment – le possessif zéro (cf. Marzys 1964: 62), c’est-à-dire l’emploi de l’article défini + nom ([lʏ vɪʒˈɪŋ] ‘le voisin’ = ‘mon voisin’).

Les matériaux de l’enquête ALAVAL

Notre questionnaire ne prévoyait pas l’analyse de la forme pronominale du possessif, dont l’emploi suscite peu d’interrogations. Nous nous limitons aux formes et aux fonctions du déterminant et de l’adjectif possessif épithète, avec leurs éventuels substituts. Étant donné la situation de communication spécifique de nos enquêtes, les différentes formes de la deixis personnelle sont représentées de manière très inégale, et plusieurs formes sont absentes: il est difficile de susciter les formes de la 2^e personne du pluriel (vos) dans une situation de communication plus ou moins spontanée, et les autres attestations au pluriel (plusieurs possesseurs) sont également rares. Les plus fréquentes sont celles de la 1^re personne du singulier (mon, ma, mes), suivies par la 3^e personne du singulier (son, sa, ses).

Dans plusieurs énoncés de notre questionnaire, l’idée de possession était implicite, comme cela correspond à l’usage français ordinaire (parties du corps, relations de parenté: le garçon s’est cassé la jambe, quand tu venais à la maison, maman se réjouissait). Pour éviter des interprétations abusives – il est impossible de déterminer si un informateur a perçu et exprimé la nuance possessive si elle n’est pas explicitée dans sa réponse – nos analyses s’appuient uniquement sur les phrases du questionnaire qui contiennent une forme possessive explicite (même si le témoin n’a pas utilisé une forme possessive dans sa réponse), et les réponses spontanées contenant une forme possessive explicite. D’un point de vue statistique, les formes du possessif zéro risquent donc d’être sous-représentées. Notons que notre questionnaire comprenait de nombreuses tournures possessives évoquant des liens de parenté, et peu de possessions «réelles».

Les matériaux disponibles ont permis d’établir 9 cartes morphologiques consacrées à des personnes grammaticales individuelles, ainsi qu’une carte synthétique représentant la réparti­tion globale des différents types morphologiques dans l’espace valaisan. Les cartes sont de nature typologique: bien que nous ayons relevé la totalité des énoncés présents dans le corpus, nous renonçons à des informations de nature statistique. Les cartes n’indiquent donc que les types de possessifs relevés dans chaque parler individuel.

Pour faciliter la comparaison et les synthèses, toutes les cartes de ce chapitre utilisent en principe le même inventaire de symboles. Certaines précisions concernant des formes spécifiques sont indiquées dans les cartes individuelles.

	déterminant possessif (type «mon» suivi d’un substantif)
	adjectif possessif sans article (type «mien» suivi d’un substantif)
	adjectif possessif précédé de l’article défini (type «le mien» suivi d’un substantif)
	préposition à suivie d’un pronom personnel (type «le + substantif + à moi»)
	préposition de suivie d’un pronom personnel (type «le + substantif+ de moi»)
	possessif zéro (article défini suivi d’un substantif ou substantif seul)
	forme d’interprétation incertaine

Carte n° 23100: Synthèse des cartes n° 23010 à 23060; remarques concernant les autres personnes grammaticales

La carte n° 23100 synthétise l’ensemble des types possessifs attestés pour toutes les personnes grammaticales. Les types les plus fréquemment utilisés dans chaque point d’enquête sont in­diqués par des symboles au bord en gras; la plupart des parlers connaît en effet une forme majoritaire.

D’après les travaux de Bjerrome 1956 et Marzys 1964, le Valais dit «épiscopal», considéré comme souvent «archaïsant», aurait le mieux conservé les deux séries de possessifs (le déterminant et l’adjectif, avec ou sans article); le Valais dit «savoyard», région de passage, aurait perdu plus rapidement la 2^e série (type «le mien père»). L’interprétation des données est différente dans GPSR 3, 600b, qui estime que la présence de la 1^re série au Val d’Hérens est due à une influence récente du français. Selon le témoignage des cartes ALF 548 «ma femme» et 572 «mon fils», les parlers de l’Est valai­san et valdôtains sont les seuls de l’espace galloroman, avec le gascon et quelques parlers de la frange méridionale du languedocien voisins du catalan, qui maintiennent couramment l’emploi de l’adjectif possessif articulé.

Nos propres matériaux – un peu plus de 2500 occurrences du possessif – dessinent une répartition des formes qui ne correspond pas entièrement à la bipartition traditionnelle du Valais romand.

Remarques concernant les autres personnes grammaticales

Les attestations disponibles dans nos matériaux pour les personnes grammaticales absentes dans nos cartes («tes», «nos», «votre» et «vos») ne sont pas assez nombreuses; elles ne permettent pas de parvenir à une vision d’ensemble cohérente. En partie du moins, elles complètent cependant les indications contenues dans les autres cartes.

Le possessif pluriel de la 1^re personne du pluriel («nos»)

Seules sont documentées

Le possessif singulier de la 2^e personne du pluriel («votre»)

Les formes sont parallèles à celles de la 1^re personne («notre»).

La forme féminine est partout du type [vᵊtrˈa, vˈtʴæ], etc.

Dernière révision de cette page: 23.12.2020.