Carte n° 52442: Verbes irréguliers: «tenir», 1^re personne pluriel (1pl) de l’indicatif imparfait («nous tenions»)

Corpus

La 1pl de l’imparfait «nous tenions» a fait l’objet d’un seul énoncé du questionnaire féminin: «Mon cousin et moi, nous tenions les comptes de la bourgeoisie». Comme souvent, les réponses manquent pour Chalais et Vouvry. À Lens et à Hérémence, nos informatrices ont remplacé «tenions» par «faisions»; nous maintenons les formes correspondantes – qui reflètent le même type de flexion – dans la carte et dans le tableau des formes. Enfin, la 1pl n’est pas attestée dans les parlers occidentaux (Val-d’Illiez, Sixt, La Chapelle-d’Abondance) qui utilisent (presque) toujours «on» pour «nous».

Relevés antérieurs

La forme «nous tenions» n’est pas documentée dans les enquêtes géolinguistiques antérieures à la nôtre (ALF, TP).

Cartographie, analyse

La carte n° 52442 présente en principe la même tripartition de l’espace étudié que la carte n° 52410, même si les limites entre les différents types morphologiques ne coïncident pas.

• La zone du type occidental qui maintient – sans doute de manière analogique – le [v] du morphème de l’imparfait [-ev-, -av-] s’agrandit par le parler de Chamoson, mais perd celui d’Orsières. À Troistorrents et à Torgnon, la voyelle tonique du morphème de l’imparfait ([ɑ] à Troistorrents, [ɪ] à Torgnon) s’explique par un nivellement analogique des différents paradigmes; seul le [e] ou [ɛ] de Chamoson, Fully et des Marécottes peut à la rigueur être considéré comme étymologique.

• La zone médiane qui utilise le morphème analogique [-əs-, -əʃ-], etc. se réduit à trois parlers (Isérables, Nendaz et Hérémence).

• Tous les autres parlers de l’Est valaisan à partir d’Orsières sur la rive gauche du Rhône et de Conthey sur la rive droite – à l’exception de Miège avec son morphème spécifique [it] – présentent des désinences monosyllabiques ou diphtonguées, portant l’accent tonique, dans lesquelles le [v] étymologique s’est amuï.

Une tripartition du domaine s’observe également pour la nature des désinences toniques, monosyllabiques ou diphtonguées.

• Voyelles du premier degré d’aperture ([, ], avec ou sans appendice nasal) à Arbaz, Évolène, Savièse et St-Jean. La forme [tiɲˈi] de Savièse semble cependant tronquée; selon Bretz-Héritier 1996: 95, la forme «canonique» de la désinence à Savièse serait [i], comme c’est le cas dans nos matériaux pour ««nous mettions» (carte n° 52445).

• Voyelles d’aperture moyenne ([ẽ, , ] et les diphtongues [ẽ, ]) dans tous les parlers de la rive gauche du Rhône, à l’exception d’Évolène et de St-Jean.

• Voyelles ouvertes du quatrième degré d’aperture ([an, ]) à Conthey, Lens, Montana et Miège. (Pour le polymorphisme des désinences dans cette zone qui ne peut pas se manifester sur cette carte, établie sur une seule attestation, cf. la carte n° 52443.)

Les mêmes voyelles apparaissent avec d’autres fonctions morphologiques et avec une distribution géolinguistique différente dans d’autres temps et modes (cf. p.ex. les formes de la 1pl du présent de l’indicatif d’«avoir», carte n° 51450), ce qui peut rendre la compréhension interdialectale difficile.

Dans la base verbale, la propagation analogique du [ɲ] provenant de la 1^re personne du singulier (< lat. tene̯o, veni̯o, cf. carte n° 51171) est très fréquente, comme dans les autres personnes des paradigmes de «tenir» et de «venir».