Carte n° 34030: La forme du pronom régime de la 1^re personne du pluriel

Corpus

Les pronom régime «nous» apparaît dans quatre énoncés du questionnaire, toujours avec des verbes réfléchis: «Ma fille et moi, nous nous sommes assis(es) dans l’herbe», «Il faut que nous nous levions tous les jours» (questionnaire commun), «Nous nous souvenons bien de la tante Julie», «Si ton père ne rentre pas bientôt, nous ne nous reverrons plus» (questionnaire féminin). À cela s’ajoutent quelques attestations spontanées.

Les témoins de Val-d’Illiez et de Vouvry ont remplacé «nous» par «on» dans tous les énoncés prévus («il faut qu’on se lève» pour «… que nous nous levions», etc.), de sorte que la forme n’est pas attestée à Vouvry. Une attestation isolée à Val-d’Illiez provient de la reformulation d’un autre énoncé.

Les formes prévocaliques apparaissent de manière aléatoire dans le corpus, dans les parlers qui ont amuï le [l] initial du verbe «se lever», dans ceux qui ont agglutiné le pronom «en» au verbe «s’ensouvenir» ‘se souvenir’, ou encore dans des attestations spontanées.

Relevés antérieurs

L’enquête de l’ALF comprend un verbe réfléchi à la 1^re personne du pluriel: «nous nous reverrons» (carte n° 1696) et un exemple de cas régime indirect «(vous deviez) nous faire signe» (carte n° 1233). Les formes du pronom ne se distinguent pas de manière significative entre les deux cartes. La forme du «nous» n’a pas été relevée par les TP.

Cartographie, analyse

• Dans 20 parlers sur 24, les formes préconsonantiques du «nous» régime ([nʊ, nɔ, nœ], etc.) sont semblables celles du sujet (carte n° 34010).

• Quatre parlers au centre du domaine (Arbaz, Fully, Nendaz, Savièse) possèdent des formes bisyllabiques du type [nʊʒe, nzə], sans équivalent parmi les formes du sujet. Ces formes bien documentées qui peuvent coexister avec les formes simples du type [nɔ] se sont sans doute développées à partir des formes prévocaliques [nʊʒ, nɔz], etc. Elles constituent un mini-paradigme du pronom régime du pluriel dans les parlers concernés du Valais central: dans la même région, des formes analogues se trouvent à la 2^e ([vuʒe], etc., carte n° 35040) et à la 3^e personne du pluriel ([ɛʒɛ], etc., carte n° 36200). Elles se sont sans doute développées de manière analogique sous l’influence des 2^e et 3^e personnes, à partir des parlers où l’amuïssement du [v] ou du [l] ne laissait plus qu’une voyelle [ʊ, ɔ] ou [e, ɛ] que le [ʒ] des formes prévocaliques permettait de consolider.

• Dans trois parlers (Évolène, la Chapelle-d’Abondance et Torgnon), la forme réfléchie peut être formée avec le pronom «se»: [nœ - ʃ ɔ- ʃ ɔkˈʊpŋ] ‘nous .. s’o.. s’occupons’ (ÉvolèneM), [nɔ ʃə sŋ aʃɛtˈeːje] ‘nous se sommes assises’ (TorgnonF), etc.

• Les formes du pronom régime prévocalique [nɔʒ, nɔz], etc., attestées dans nos matériaux dans 15 parlers sur 25, se distinguent des formes correspondantes du clitique sujet prévocalique [n, nɔ, nʊ], etc., sans consonne de liaison, majoritaires dans presque tous les parlers (carte n° 34020). Cela signifie que les parlers concernés ont développé un système bicasuel qui oppose le clitique sujet et régime de la 1^re personne du pluriel, uniquement en position prévocalique, système sans base étymologique et inconnu dans d’autres langues romanes, également présent à la 2^e personne du pluriel (cf. carte n° 35040), mais mieux développé (ou mieux conservé) à la 1^re personne du pluriel.