Carte n° 31031: L’emploi du clitique sujet prévocalique de la 1^re personne du singulier (CS1.sg): statistiques

L’emploi du clitique sujet dans les parlers valaisans et voisins – à la 1^re et à la 2^e personne du singulier et du pluriel du moins, il ne s’agit pas d’un pronom (il ne remplace aucun nom), mais d’un simple indice de la personne – a beaucoup intrigué la recherche et a fait couler beaucoup d’encre (cf. p.ex. Marzys 1964, Favre 1982, Heap 2000, Diémoz 2007, Savoia/Manzini 2010, Hinzelin/Kaiser 2012, Kristol 2009, 2017, 2018), car il est non seulement facultatif (à l’exception de la 2^e personne du singulier), mais présente encore des conditions d’emploi très variables d’un parler à l’autre et d’une personne grammaticale à l’autre. Par conséquent, nous documentons ici sur la base de nos matériaux – 80 attestations en moyenne par parler pour la 1sg.m+f précons., 43 pour la 1sg.m+f prévoc.; chiffres précis pour chaque parler et les deux informateurs dans les tableaux statistiques – le fonctionnement du CS1.sg, en distinguant son emploi – parfois très différent – en position préconsonantique (carte n° 31021) et prévocalique (carte n° 31031).

Nous reprenons ici l’analyse proposée pour la 1^re personne du singulier par Kristol 2018: 52-53 – c’est en particulier la comparaison des deux cartes qui est intéressante:

– Dans 13 parlers sur 25 (Arbaz, Bionaz, Chalais, Chamoson, Évolène, Fully, Hérémence, Isérables, Lens, Lourtier, Savièse, Troistorrents, Val-d’Illiez) – sans continuité territoriale particulière – on n’observe aucune différence statistiquement significative dans l’emploi du CS devant voyelle ou devant consonne, malgré de légères différences apparentes dans la cartographie. Parmi ces parlers, plusieurs (Arbaz, Bionaz, Chalais, Lens, Savièse) ont de toute façon un taux d’emploi tellement bas (parfois proche de zéro), devant voyelle et devant consonne, qu’une recherche des facteurs de variation devient illusoire. Il en va de même pour Conthey et Lourtier, où l’emploi dans les deux positions est si fréquent (plus de 80%) que d’éventuels facteurs de variation deviennent inopérants.

– 8 parlers (Conthey, Liddes, Montana, Orsières, Vouvry, ainsi que la Chapelle-d’Abondance et Sixt en Haute-Savoie, Torgnon en Vallée d’Aoste) montrent un emploi du CS significativement plus fréquent devant verbe à initiale vocalique.

– 4 parlers vont dans la direction opposée : aux Marécottes, à Miège, à Nendaz et à St-Jean, l’emploi du CS est significativement moins fréquent devant verbe à initiale vocalique.

Avec huit parlers seulement sur 25 qui confirment l’idée avancée par Marzys 1964: 27s., 33s. selon qui les CS seraient beaucoup plus fréquents devant verbe à initiale vocalique que devant consonne – et quatre parlers qui montrent une tendance inverse – la force prédictive du facteur «nature consonantique ou vocalique de l’initiale verbale» est donc plutôt limitée.

D’autres facteurs de variation qui ont été proposés dans la recherche (présence ou non d’un élément circonstanciel placé en début de phrase, devant le verbal de la principale, présence ou non d’un pronom régime préverbal) se sont également révélés comme non significatifs pour l’emploi du clitique sujet dans nos parlers (cf. Kristol 2018).

Ce constat est sans doute caractéristique pour un groupe de parlers qui jamais, dans l’histoire, n’a connu la moindre standardisa­tion.