Carte n° 35030: Emploi et non-emploi du clitique sujet de la 2^e personne du pluriel (2pl)

Corpus

Notre corpus global d’énoncés à la 2pl comprend 696 occurrences. Dans les différents point d’enquête, le nombre d’occurrences oscille entre 15 (Chalais, où l’enquête avec l’informatrice féminine est incomplète) et 43 énoncés (Trois­torrents), avec une moyenne de 27.8. Deux tiers des énoncés se trouvent à la forme interrogative (questions totales et par­tiel­les), qui soulève les questions les plus intéressantes.

Fréquence d’emploi

La fréquence du clitique sujet de la 2pl est relativement élevée dans tous nos parlers, avec des variations très sensibles d’un parler à l’autre: elle va de 54% à Arbaz et 57% à Bionaz à 100% dans près de la moitié des parlers de notre réseau (Fully, Hérémence, Les Marécottes, Liddes, Lourtier. Nendaz, Orsières, Torgnon, Troistorrents et Vouvry). Dans tous les parlers, à l’exception d’Évolène, le clitique sujet de la 2pl est plus fréquent que celui des 1^re et 3^e personnes du singulier.

D’un point de vue géolinguistique, le non-emploi du clitique sujet de la 2pl est relativement fréquent dans les parlers de l’Est valaisan. Rappelons que ces parlers se trouvent dans une région périphé­rique extrême de l’espace gallo-roman, à la limite des parlers alémaniques qui eux, possèdent un clitique sujet obligatoire, ce qui n’a manifestement exercé aucune influence. L’hypo­thèse superstratiste (influence du germanique sur la syn­taxe des clitiques sujets en franco­pro­vençal) que propose encore Tuaillon 2003, ne trouve donc ici aucun appui^[1]. Par ailleurs, l’absence du clitique sujet n’est pas inconnue non plus dans certains parlers occidentaux comme celui de Val-d’Illiez, et se retrouve également, à basse fréquence, il est vrai, dans les deux parlers hauts-savoyards de notre réseau.

D’après nos données, le seul facteur susceptible d’expliquer l’emploi ou non du clitique sujet de la deuxième personne du pluriel dans les parlers où celui-ci reste facultatif, c’est la différence haute­ment significative entre les propositions affirmati­ves principales et subor­données: le clitique sujet est nettement plus fréquent dans les principales. Face à ce résultat, on pourrait se demander si l’absence du clitique dans les subordonnées s’explique par le fait qu’il n’est pas nécessaire d’exprimer le sujet dans la subordonnée si celui-ci est déjà nommé dans la principale. L’exament des énoncés disponibles (cf. ci-dessous) montre qu’il n’en est rien: le non-emploi du clitique est parfaitement courant même lorsque le sujet change. Les éventuelles raisons qui favorisent l’emploi du clitique sujet dans la principale, et qui le défavorisent, relativement, dans la subordonnée, restent donc à déter­miner.

sə Ø pasˈɑːdʏ pɛʁ sˈɛʎɑ - n aʀˈɪ tˈʊʁna lɔ plɛɪzˈɪ dʏ vɔ vˈeːʀə —
Si vous passez ici .. nous aurions de nouveau le plaisir de vous voir. (BionazF)

ʃy Ø paʃʃˈas p ʃˈiːa Ø vɔ ʁɛvɛʁˈaŋ awˈi plˈɪːʒi
Si vous passiez par ici, nous vous reverrons avec plaisir. (ÉvolèneF)

sə Ø rpæsjˈɑ pr ˈθ  sɔ rveʁˈ ɐʋ pleˈɪ
Si vous repassiez par ici on se reverrait avec plaisir. (SixtF)

Dans plusieurs parlers de l’Est valaisan (en amont de Martigny) ainsi qu’à Bionaz, le clitique sujet peut être redoublé dans les interrogatives. La fréquence du phénomène est pourtant un peu plus basse que ce qui a été observé pour la 2^e personne du singulier (carte n° 32030). Comme pour la deuxième personne du singulier, les parlers de Fully et de Torgnon – auxquels s’ajoutent ici des attestations isolées à St-Jean et La Chapelle-d’Abondance – remplacent (ou peuvent remplacer) la forme enclique par un -ti interrogatif.