Carte n° 52604: Verbes en -āre à radical palatalisant (conjugaison 1B): «manger», 3^e personne pluriel (3pl) de l’indicatif imparfait

Corpus

La carte n° 52604 s’appuie surtout sur deux énoncés du questionnaire féminin: «Mes grands-parents ne mangeaient pas que de la tarte» et «Les gamines mangeaient les framboises qu’elles avaient cueillies». À cela s’ajoutent quelques attestations spontanées (en particulier toutes les occurrences produites par les témoins masculins recensées dans le tableau des formes). En tout, nous avons enregistré 54 occurrences de la forme voulue.

Relevés antérieurs

La 3pl de l’imparfait des verbes en -āre n’est pas documentée dans les enquêtes géolinguistiques antérieures à la nôtre (ALF, TP).

Cartographie, analyse

• morphologie de l’imparfait

La carte n° 52604 montre quatre types de formes:

(1) Les parlers occidentaux, jusqu’à une ligne qui comprend Chamoson, Isérables et Liddes, et quelques parlers de la frange orientale (Montana, Miège, Évolène, Torgnon et partiellement St-Jean), 17 parlers en tout, montrent une morphologie francoprovençale «classique» pour un verbe de la conjugaison 1B : le morphème de l’imparfait est soit [ɛv, iɛv, œv] (parfois avec un début de relâchement articulatoire du [v] > [ʋ] > [ᶹ]), soit [iv, ʏv] , avec conservation du [v] intervocalique qui remonte au -b- de la désinence latine ‑ābant et antériorisation du ‑ā- étymologique. Dans cette même zone, seul le parler de Chalais utilise des formes analogiques en [av]  qui proviennent de la conjugaison 1A (cf. la carte n° 52602). 

(2) Dans la zone centrale qui tend à amuïr le [v] intervocalique, à Savièse et (partiellement) à Conthey, Lens et Nendaz, auxquels s’ajoute le parler valdôtain de Bionaz, le morphème de l’imparfait garde son accent tonique malgré la chute du [v]. Les formes en [i] (Savièse) et en [ɛ, œ] (Conthey, Lens, Nendaz) sont caractéristiques pour la conjugaison 1B; à Conthey, une forme analogique en [a]  côtoie une forme étymologique en [œ]. À Bionaz, le morphème [a] de l’imparfait s’est généralisé de manière analogique dans presque toutes les conjugaisons.

(3) À Arbaz, Hérémence, Lourtier ainsi que, partiellement, à Nendaz, St-Jean et Val-d’Illiez, on observe l’apparition de formes analogiques issues des conjugaisons autres qu’en ‑āre, dans lesquelles l’accent tonique s’est déplacé sur la désinence, le morphème de l’imparfait étant la semi-voyelle [j] .

(4) Dans une forme isolée apparaissant à Lens, on retrouve la désinence monophtonguée [ˈaŋ]  (comme à la 3pl de l’imparfait d’«acheter», carte n° 52602) dans laquelle la chute du [v] intervocalique a été suivie de la contraction du morphème de l’imparfait avec la désinence.

• désinences

Les désinences de la 3pl de l’imparfait sont de la même nature et montrent le même genre de variation que celles de la 3pl de l’indicatif présent (cf. les cartes n° 51611 et 51620), à l’exception des formes qui portent l’accent tonique à Arbaz, Hérémence, Lens, Lourtier, Nendaz et St-Jean.