Carte n° 33220: La morphologie et syntaxe du pronom personnel du régime indirect, 3^e personne du singulier, phrases affirmatives (formes pleines, préconsonantiques et enclitiques)

Corpus

Le pronom régime indirect «lui» a fait l’objet de sept énoncés, cinq dans le questionnaire commun («Je lui fais un clin d’œil», «Elle lui tire la langue», «Je vais lui tordre le cou», «On lui a donné une fessée. Il a les fesses rouges.»), et deux dans le questionnaire féminin («Ce matin, il m’a fallu encore lui recoudre un bouton», «La chienne a soif. Il faut lui donner à boire»). Sur près de 300 réponses théoriquement possibles, nous avons recueilli 221 attestations utilisables, dont une trentaine d’énoncés dans lesquels, de manière tout à fait significative, le pronom régime n’est pas exprimé.

Pour ne pas surcharger la carte, nous avons écarté les formes toniques qui apparaissent dans les énoncés à l’impératif positif («Mets-lui un peu d’eau dans son écuelle»), mais nous maintenons les formes enclitiques postposées aux formes nominales du verbe (infinitif, participe passé) dans des énoncés affirmatifs à Fully, Isérables et Bionaz. Pour les formes toniques «lui» masculines (sujets et régimes, après préposition («Les anciens du village se souvenaient bien de lui»), cf. la carte n° 33020.

Relevés antérieurs

Le pronom régime indirect préconsonantique «lui» est présent dans deux cartes de l’ALF (n° 785 «et que nous lui (rendions)» et 1650 «je n’ai pas osé le lui dire»). Les deux cartes donnent un aperçu – assez partiel – de la diversité des formes qui coexistent dans l’espace valaisan; la carte n° 1650 illustre en outre le fait que la séquence de deux pronoms régimes («le lui») est très souvent évitée (dans l’attestation du point 977 Le Châble, c’est le pronom du régime direct qui est utilisée).

La forme «lui» n’a pas été recueillie par les TP.

Cartographie, analyse

Les attestations disponibles dans nos matériaux nous permettent de distinguer trois séries de formes:

(1) Formes du type [lɥi, li, ly, lø, ʎi] attestées dans 15 parlers, surtout dans l’Est du Valais et au sud du Rhône, avec les formes réduites correspondantes qui résultent de différentes évolutions phonétiques: palatalisation du [l] initial > [ʎ] > [j], donc [jɥi, ji, jy, jø] (dans 4 parlers du Valais central) ou amuïssement complet du [l] initial > [i, y] (dans 7 parlers du Valais central).

(2) Formes diphtonguées du type [lˈɛi, lˈæi] à Bionaz, avec la forme réduite correspondante avec amuïssement du [l] initial > [ˈɛi] à Isérables.

(3) Formes du type [la, lˈaɛ, lɛ] , caractérisées par des voyelles très ouvertes, selon une évolution fréquente dans les parlers valaisans occidentaux (parlers du Chablais, Fully et Chamoson), avec les formes réduites correspondantes: palatalisation du [l] initial > [ʎ] > [j], donc [jˈaɛ, jɛ] , etc. à Fully, et amuïssement complet du [l] initial > [a, ˈaɛ, ɛ] à Fully, Conthey et Chamoson.

Comme pour les formes du régime direct (cf. les cartes n° 33200 et 33202), les parlers du Valais central qui tendent à amuïr le [l] initial ont développé de manière analogique des formes «renforcées» en -[tœ, tɛ, t], etc.: [lʊitɛ] à Conthey, [lɐtø, ltʏ] et [atɛ, atə] à Chamoson, ainsi que [wit] et [ʏte] à Savièse. L’emploi de ces formes est partout facultatif; nos matériaux à cet égard sont sans doute incomplets.

Dans les parlers qui maintiennent le [l] initial, la forme du pronom – même préconsonantique – peut se réduire à [l] dans la chaîne parlée (cf. les attestations d’Évolène, Miège, Val-d’Illiez et La Chapelle-d’Abondance), ce qui neutralise l’opposition entre les pronoms d’objet direct et indirect.

Les formes rédupliquées du type [lʏlʏ, lʏlɥi, lʏlʏe] qui n’apparaissent que chez le témoin masculin d’Évolène pourraient être de nature idiolectale.

Comme pour les autres pronoms régime, on observe que l’emploi du régime indirect est facultatif dans plusieurs parlers. Ainsi, la forme du régime indirect «lui» (qui serait [ɛɪ] comme à Isérables, selon Praz 1995: 273) manque dans nos matériaux pour Nendaz , dans un corpus de 11 énoncés susceptibles de la contenir.

Les règles qui semblent bloquer l’emploi du pronom régime indirect devant les formes nominales du verbe (infinitifs et participes passés) à Fully, Isérables et Bionaz et qui provoquent son rejet après la forme verbale (cf. les énoncés [ni bajˈæ jɛ ɛna fwtˈʊ] «j’ai donné-lui une fouettée» à Fully, [ə ʋˈëzə twːdr ˈɛɪ o ku] «Je vais tordre-lui le cou» à Isérables) ne sont pas élucidées, à notre connaissance.