Carte n° 36040: La forme du clitique sujet prévocalique de la 3^e personne pluriel du féminin (CS.3pl.f prévoc.)

Généralités

Ce commentaire est en grande partie commun aux cartes n° 36040 (CS.3pl.f prévoc.) et 36050 (CS.3pl.m prévoc.): comme en position préconsonantique (cartes n° 36020 et n° 36030) et comme au singulier (cartes n° 33030, 33040, 33050, 33060), suite à une évolution déjà attestée au début du XX^e siècle et qui s’est poursuivie au cours du siècle, une majorité des parlers valaisans et voisins a neu­tra­li­sé l’opposition de genre pour les formes du clitique sujet prévocalique de la 3^e personne du pluriel. Des formes spécifiques pour le féminin, avec un [z] étymologique de liaison, n’apparaissent que dans les parlers d’Évolène, de Liddes, de Sixt et de St-Jean. Une occurrence isolée de [z] à Chamoson pour­rait être due à une influence ponctuelle du français.

Corpus

Les cartes 36040 et 36041 s’appuient sur la totalité des formes du CS.3pl.f prévocalique (ou de son non-emploi) dans nos matériaux, 362 attestations en tout. Avec deux énoncés seulement prévus dans le questionnaire féminin («Les gamines mangeaient les framboises qu’elles avaient cueillies» – 18 réponses utilisables – et «Elles sont venues, mais elles attendent dehors» – 20 réponses utilisables) le nombre d’attestations disponibles est malheureusement limité: la majorité des formes produites par les informatrices féminines et l’ensemble des formes des témoins masculins provient d’énoncés sponta­nés. Par conséquent, dans la plupart des parlers, la documentation ne peut pas être considérée comme entièrement représentative et seules les formes les plus fréquentes riquent d’être attestées.

Relevés antérieurs

La forme du CS.3pl.f prévocalique fait l’objet des cartes ALF n° 93 «quand elles ont (mangé trop de trèfle)» et 1678 (légèrement incomplète) «elles ont pondu». La seule liste des TP (col. 308 «elles ont été chantées») qui recense des formes du CS.3pl.f prévocalique est très incomplète: sur 15 points d’enquête valaisans, 9 utilisent le verbe auxilaire «être» à la place d’«avoir» («elles sont étées», «elles sont eues»; cf. notre carte n° 42311 pour la formation du passé composé d’«être»), formes dans lesquelles le CS3.pl se trouve devant consonne.

Les deux cartes de l’ALF documentent déjà l’emploi de l et y, identiques pour le masculin et le fémi­nin, dans plusieurs parlers (cf. notre carte n° 36050). À cela s’ajoutent des attestations pour le CS zéro et quelques formes spécifiques pour le féminin (d au pt. 976, lj au pt. 988, lj au pt. 989). Pour les formes correspondantes dans nos matériaux, cf. ci-dessous.

Cartographie, analyse

– Dans plusieurs parlers situés dans l’Ouest du domaine (Troistorrents, Les Marécottes, Fully, Isérables) ainsi qu’à Bionaz, le féminin prévocalique est caractérisé par la forme [l] , inusitée en position préconsonantique, mais identique au pluriel du masculin, le plus souvent à côté du clitique sujet zéro (CS.Ø ).

– Un deuxième groupe de parlers, situé à l’Est du domaine (Lens, Montana, Miège au nord du Rhône, Nendaz et Hérémence au sud), utilise en revanche des formes vocaliques [i, ij, e] (, , ) sans [l], proches de celles du masculin préconsonantique. Dans ces formes, pour éviter l’hiatus, les [i] peuvent passer à [j] ou dégager un [j] de transition, parfois à peine perceptible (> [ij]), devant la voyelle initiale du verbe. À côté de cela, on trouve également de nombreuses occurrences du CS.Ø .

– À Isérables et à Savièse, une forme vocalique ([ɛ] ou [ɪ]) a pu s’introduire dans un système de for­mes majoritaires en [l].

– Le CS.Ø est seul attesté dans nos matériaux pour Conthey et La Chapelle-d’Abondance.

À côté de ces nombreux dialectes qui ont neutralisé l’opposition de genre, on retrouve les parlers de Sixt, Liddes, Évolène et St-Jean, qui la maintiennent, entièrement ou en partie.

– À Liddes, l’opposition se fait entre [d] (féminin) et  [l] (masculin). L’emploi du [d] féminin est généralisé, même après un sujet nominal (cf. carte n° 36041); pour le masculin, nous avons enregistré deux exemples de CS zéro prévocalique et une occurrence de [ɪl] à côté de 7 occurrences du [l] masculin (cf. la carte n° 36050).

– À Évolène, l’opposition se réalise entre [lɛʒ/lʒ] féminins et [i, j] ,  masculins. Comme à Liddes, à Évolène l’emploi de la forme féminine est généralisé dans toutes les positions; au masculin, on observe également des occurrences du CS.Ø (cf. les cartes n° 36050 et 36051). À St-Jean, la situation est similaire, avec un début de confusion des deux genres.

– Comme pour la position préconsonantique, le parler de Sixt tient une position intermédiaire entre les dialectes qui neutralisent l’opposition de genre et ceux qui la maintiennent. La forme féminine prévocalique la plus fréquente, [œlz, əlz]  pour le CS.3pl.f (12 attestations) maintient l’opposition. Les formes plus rares, [i] et [j] (5 attestations), en revanche, s’emploient pour les deux genres.