Carte n° 35050: La syntaxe de la proposition interrogative à la 2^e personne du pluriel, formes et occurrences

La carte n° 35050 documente la fréquence d’emploi des différentes tournures qui permettent d’exprimer l’interrogation, dans les interrogatives totales et partielles. Elle est parallèle à la carte n° 32030 «La syntaxe de la proposition interrogative à la 2^e personne du singulier», à la différence que le «tu» sujet est obligatoire dans la quasi-totalité des énoncés (voir le commentaire de la carte n° 32020), alors que le «vous» reste facultatif dans de nombreux parlers (cf. la carte n° 35020).

Comme la carte analogue du singulier, elle illustre le fait que les parlers étudiés possèdent en principe les mêmes moyens pour formuler l’interrogation que le français contemporain: (1) inversion du sujet et du verbe (type «allez-vous?» ), (2) intonation interrogative (type «vous allez?» ), (3) périphrase interrogative (type «est-ce que vous allez?» ). Ce qui distingue en revanche les parlers étudiés du français parlé ordinaire contemporain, c’est la vitalité et l’importance numérique des interrogatives à inversion: celle-ci domine dans 12 points d’enquête sur 25. C’est la seule forme attestée dans le corpus de Savièse; dans plusieurs autres dialectes, l’intonation et la périphrase n’ont qu’une place tout à fait marginale. Très souvent, une interrogative formulée avec «est-ce que» ou une intonation interrogative dans notre questionnaire a spontanément été rendue avec une question à inversion.

Ce qui distingue enfin un nombre important de nos parlers (9 sur 25, dans nos matériaux) du français contemporain et ancien, c’est l’existence d’une inversion pronominale complexe, facultative (type «vous allez-vous (chez le médecin)?» ), avec réduplication du sujet pronominal, une structure qui, en français, n’existe que dans les tournures littéraires à la 3^e personne singulier et pluriel, après un sujet nominal (type «Pierre va-t-il?»). C’est la tournure dominante à Hérémence, Lens et Montana (voir Kristol 2008b, Morand 2008), comme dans l’exemple suivant:

Ce qui caractérise cette réduplication pronominale, c’est qu’elle s’accorde avec la personne grammaticale. C’est ce qui la distingue aussi de l’interrogation avec la particule interrogative «ti» d’origine analogique (< ‑t-il), formellement très proche, dont l’existence est bien attestée dans de nombreuses régions dialectales de la France (Nord de la France, Vosges, Massif Central, cf. ALF carte n° 1417) et qui, à la fin du XIX^e et dans la première moitié du XX^e siècle, s’employait également en français familier et populaire (cf. Behnstedt 1973: 14s.) dans des phrases du type «je peux-ti venir?», «tu viens-ti?», etc. Le français québécois connaît les mêmes emplois, en remplaçant «ti» par «tu» (Léard 1995: 220s.). Ce qui caractérise l’emploi de la particule interrogative «ti», c’est le fait que celle-ci est invariable, et qu’elle s’est propagée à toutes les personnes verbales («je peux-ti, tu veux-ti, vous voulez-ti», etc. ; cf. Foulet 1921 : 278s.). Dans les parlers étudiés ici, ce cas de figure est également attesté à Fully, à La Chapelle-d’Abondance et à Torgnon – il peut être difficile à identifier à la 2^e personne du singulier étant donné sa proximité formelle avec la réduplication pronominale, mais apparaît très clairement à la 2^e personne du pluriel où, à la place de «Vous travaillez-vous» on trouve «vous travaillez-ti», comme le montrent les exemples suivants:

Mentionnons pour terminer la tournure interrogative sans clitique sujet , qui est présente dans 9 parlers pour la 2^e personne du pluriel, alors qu’elle est très rare à la 2^e personne du singulier (carte n° 32030):

    ɑmˈa     le epinˈɑr
{^Vous aimez / Aimez-^vous} les épinards? (St-JeanF)

La syntaxe des questions partielles formées avec «que» et «où» est étudiée aux cartes n° 71320 et 71330.