Carte n° 33202: La morphologie du pronom objet direct de la 3^e personne du singulier: les formes du masculin singulier

Généralités

En francoprovençal comme dans toutes les langues romanes voisines, le pronom objet direct de la 3^e personne (singulier et pluriel) a les mêmes bases étymologiques que l’article défini (< lat. illum, illam, illos, illas). Les cartes correspondantes présentent donc de nombreuses ressemblances. Néanmoins, les formes du pronom ont développé certaines particularités qui n’apparaissent pas pour celles de l’article défini.

articles définis et pronoms régimes de la 3^e personne: cartes correspondantes.

Corpus

Le pronom régime « le» a fait l’objet de sept énoncés, deux dans le questionnaire commun («D’habitude, on n’achetait pas le fromage. On le faisait soi-même», « On le montre du doigt»), deux dans le questionnaire féminin («J’aurais aimé qu’on le voie un peu plus souvent», « Mon gendre, c’est quelqu’un! Il faudrait que vous le voyiez») et trois dans le questionnaire masculin («(Le fromage) On le frotte, on le sale et on le retourne», «(Le foin) On le mettait dans des draps», «On le chargeait sur les mulets»). À cela s’ajoutent des attestations prévocaliques dont la forme neutralise l’opposition de genre, comme en français. Comme c’est le cas pour le féminin (carte n° 33200), elles ne permettent pas toujours de savoir si l’antécédent est masculin ou féminin: «Le chien l’a mordu(e) à la cuisse» (questionnaire commun; l’antécédent peut être des deux genres; cf. le commentaire de la carte n° 42360); «Mon frère voyait sa fiancée en cachette parce que son futur beau-père ne l’aimait pas» (questionnaire féminin; dans les réponses, l’antécédent peut être «le frère» ou «la fiancée»). En tout, nous avons recueilli 260 attestations (10 attestations en moyenne par parler).

Relevés antérieurs

Le pronom régime «le» est bien présent dans les cartes de l’ALF. La forme préconsonantique (et en partie prévocalique) se trouve dans les énoncés «le laisser» (carte n° 745), «pour le porter» (n° 1063) «qu’il le reçoive» (n° 1137) et «de le voir» (n° 1408); la forme enclitique est documentée dans l’énoncé «dis-le-moi» (carte n° 410). La forme prévocalique apparaît dans l’énoncé «nous le revîmes» (traduit au passé composé, carte n° 1154). Nous reproduisons ici les extraits concernant l’espace valaisan des cartes n° 745 – elle atteste des formes à initiale vocalique du verbe «laisser» au Chable (pt. 977, sans pronom) et à Nendaz (pt. 978) – et n° 1137 qui contient la seule attestation de l’ALF pour la forme «renforcée» t (à Nendaz, comme dans nos données, mais avec une transcription qui montre que la forme n’a pas été correctement analysée; cf. ci-dessous)

ALF carte n° 745 «le laisser»	ALF carte n° 1137 «qu’il le reçoive»

Dans les TP, le pronom régime «le» apparaît dans les colonnes 346 «je ne le dis (qu’à eux)» et 338 «que je ne le (sache pas)»:

Cartographie, analyse

– Dans la majorité des parlers étudiés, la forme du pronom régime «le» coïncide avec celle de l’article défini masculin – ou avec l’article défini masculin du cas régime dans les parlers à système bicasuel –, [lu, lʊ], [lo, lɔ], [ly, lʏ], [lø, lœ, lə], [le, lɛ], ou les formes correspondantes sans [l] initial.

– Certains parlers du Valais central qui tendent à amuïr le [l] initial ont cependant développé des formes spécifiques du pronom régime qui permettent d’éviter une homophonie gênante entre le pronom «le», l’article défini «le» (carte n° 21012) et en partie aussi avec l’article défini prépositionnel «au» (carte n° 21022), à côté des formes de base:

• les parlers de Conthey et de Nendaz possèdent une forme «renforcée» [ɔt, ɔtœ, otə]. prévocalique et préconsonantique, semblable aux formes du pluriel ([nɔʒe, vɔʒe, ɛʒɛ]). Contrairement aux formes du pluriel préconsonantique dont le [ʒ] s’explique par une consonne de liaison propagée de manière analogique, l’origine du [t, tœ] n’est pas élucidée (< pronom [tə] ‘te’ du datif éthique désémantisé?). Des formes féminines analogues [at, atœ], etc. sont également attestées à Chamoson, Conthey et Savièse (carte n° 33200).

• le parler de Lourtier a développé une forme prévocalique [ʊj, oj], analogue à celle du féminin [aj, oj] (carte n° 33200) qui permet d’éviter l’hiatus.

– Le parler de Sixt est le seul qui atteste l’emploi du «y neutre» savoyard (cf. la note sous le tableau des formes).

– À titre d’exemple, nous reproduisons quelques cas de non-emploi caractéristique du pronom régime ( dans la carte,     dans les transcriptions).