Carte n° 24030: Les adverbes déictiques

⇒ Pour les généralités concernant tous les démonstratifs et les adverbes déictiques, voir le début du commentaire de la carte n° 24010.

Corpus

La carte n° 24030 s’appuie sur toutes les attestations disponibles dans nos matériaux pour les adverbes déictiques accompagnant les pronoms et déterminants démonstratifs, masculins et féminins (cf. les cartes n° 24010, 24012, 24014, 24020, 24022, 24024). On observe que dans les parlers qui distinguent une morphologie tripartite du pronom/déterminant démonstratif (p.ex. [sta] ~ [sa] ~ [ɬa] au féminin à Nendaz), l’emploi des adverbes déictiques est généralement facultatif, les pronoms à eux seuls précisant suffi­samment la proximité ou le degré d’éloignement voulu. Il en va de même dans les parlers qui ne pos­sèdent que deux formes du pronom démonstratif (proximité et éloignement): dans ce cas, la proximité est clairement exprimée par le pronom, et seuls les deux degrés d’éloignement ont besoin d’être précisés par un adverbe déictique. Dans plusieurs parlers, nos matériaux laissent même penser que le 1^er degré d’éloignement n’a pas besoin d’être marqué par un adverbe déictique (cf. le commentaire de la carte n° 24012), et seul le 2^e degré d’éloignement est marqué. Cette observation peut expliquer pourquoi le système des adverbes déictiques semble lacunaire dans plusieurs parlers.

Dans une tentative de documenter aussi fidèlement que possible les différents systèmes déictiques observables dans les parlers individuels, nous avons légèrement complété nos données par des formes écrites attestées dans la littérature secondaire: ALF pour Lens, PVT pour Les Marécottes, FB pour Savièse, LPC pour Troistorrents, Fankhauser 1911 pour Val-d’Illiez (symboles grisés, non cliquables, dans la carte).

Relevés antérieurs

La question des systèmes déictiques n’est pas abordée dans les enquêtes géolinguistiques antérieures à la nôtre.

Cartographie, analyse

(1) En guise de synthèse, nous représentons les différents systèmes déictiques observés comme suit:

système pronominal à trois formes	système pronominal à deux formes; dis­tinction du 1er/2e de­gré d’éloignement réalisé grâce aux adverbes déictiques	système pronominal à deux formes; distinction de deux degrés d’éloigne­ment non attestée	système pronominal à une seule forme; réalisation d’une deixis bi- ou tri­partite grâce aux adverbes déictiques	colonne de gauche: formes pronomi­nales féminines; colonne de droite: formes pronominales masculines

(2) Un système de deixis tripartite encodé par l’éventail complet de trois adverbes déictiques est attesté pour 9 parlers sur 25 (Fully, Hérémence, Lens, Les Marécottes, Liddes, Orsières, St-Jean, Savièse, Troistorrents, Val-d’Illiez):

– [ʃi, si, ʃe, se] ou  [siʎa, sˈɛʎa] (et allomorphes) pour la proximité,

– [ŋtjə, ŋkjˈɛ], etc. pour le premier degré d’éloigne­ment,

–  [la, le, lɛ, we, re, li, ri], etc. pour le second degré d’éloignement.

(3) À Isérables, Vouvry et Sixt, c’est la forme de la proximité qui manque dans nos données; les pronoms/déterminants démonstratifs [sta] (féminin) et [sti] (masculin) sont toujours employées seuls (cf. les cartes n° 24014 et 24024).

(4) À Lens, Hérémence et St-Jean où la deixis tripartite est bien attestée pour les pronoms/déterminants féminins, c’est l’adverbe du premier degré d’éloignement qui manque dans nos matériaux. Cela pourrait étayer notre hypothèse que le premier degré d’éloignement n’a pas besoin d’être précisé par un adverbe déictique, l’emploi de l’adverbe du second degré d’éloignement étant suffisant pour désambiguïser les deux degrés.

(5) Dans les dix parlers restants – sans véritable continuité territoriale – la documentation disponible ne permet pas de déterminer avec certitude si les systèmes apparemment bipartites pour les pronoms démonstratifs et les adverbes déictiques reflètent des lacunes dues aux faiblesses de notre enquête, ou s’il s’agit effectivement de parlers qui ont cessé de distinguer les deux degrés d’éloignement.

(6) D’un point de vue morphologique, on observe que les trois parlers du Chablais valaisan (Troistor­rents, Val-d’Illiez, Vouvry) ont développé des formes adverbiales à redoublement ( [sə sø],  [le lɛ]) à côté des formes simples. À Troistorrents, le premier élément de ces formes semble être perçu comme agglutiné au pronom démonstratif de la proximité ([sti sə sø] > [stisə sø], selon le témoignage du dictionnaire LPC en ligne.

(7) Icônes grisées, non cliquables: formes attestées dans la littératures secondaire ( et pour la proximité,  pour le premier degré d’éloignement,  pour le second degré d’éloignement).