Carte n° 24022: Le pronom démonstratif masculin singulier de la distance

⇒ Pour les généralités concernant tous les démonstratifs, voir le début du commentaire de la carte n° 24010.

Corpus

La carte n° 24022 rassemble toutes les attestations disponibles pour la morphologie du pronom démonstratif masculin singulier du 1^er et du 2^e degré d’éloignement (désormais: é.1 et é.2). Elle a été élaborée sur la base de deux énoncés du questionnaire commun: «Celui-là a les cheveux châtains», «Les cheveux de celui-là sont blancs», à quoi s’ajoutent plusieurs réponses spontanées supplémen­taires. Comme pour le féminin (carte n° 24012), le nombre d’énoncés utilisables est cependant limité par l’emploi de  «l’autre», dans les paires d’énoncés du type «Celui-ci a les cheveux roux» – «Celui-là (→ l’autre) a les cheveux châtains» prévues par le questionnaire.

Relevés antérieurs

Les formes du démonstratif masculin é.1 et é.2 apparaissent de manière aléatoire dans les enquêtes de l’ALF et des TP (cf. le commentaire de la carte n° 24020).

Analyse

Les formes observées constituent deux groupes principaux:

–  d’une part celles qui maintiennent le -l- étymologique du démonstratif latin ecce-illui >  [hlɪk, hlɪ, ɬɪ, hl, ɦlɪɡ, ʀlɪɡ, ʀli] et neutralisent l’opposition entre le masculin et le fé­minin (cf. la carte n° 24012), dans les parlers de la région de Sierre, 

– et d’autre part celles sans ‑l-, le plus souvent  [se, ʃe, ʃɛ, ʃə], plus rarement  [si, ʃi] (< cel, cil, cest ou cist; cf. GPSR 3: 162 s.v. ce, sə), dans la majorité des parlers étudiés.

La forme valdôtaine  [sitə] (Bionaz) est isolée dans nos matériaux. Comme pour la proximité (carte n° 24020), les deux informateurs de Torgnon ne semblent pas représenter le même système. Le parler d’Évolène est le seul qui maintient un système bicasuel,  [ʃy, ʃʏ] pour le sujet,  [ʃe] pour l’objet.

À la différence du féminin où plusieurs parlers possèdent deux formes pronominales spécifiques per­mettant de distinguer les deux degrés d’éloignement, aucun parler étudié ne possède deux pronoms dé­monstratifs masculins distincts pour les deux degrés d’éloignement. Dans les parlers où une distinction est attestée (Fully, Isérables, Liddes, Lourtier, Nendaz, Orsières, Sixt et Vouvry), elle repose sur le seul emploi des adverbes déictiques ( [ŋtjə, ŋkjˈɛ], etc. pour é.1,  [la, le, li, we] pour é.2).

Comme pour le féminin, un deuxième groupe de parlers (Arbaz, Chalais, Chamoson, Conthey, Évo­lène, Montana, St-Jean, Torgnon) semble avoir adopté une solution minimaliste: é.1 est exprimé par le pronom seul («éloignement non précisé») et é.2 par le pronom suivi de l’adverbe déictique [la, li, le], etc. Nos données étant trop partielles, cette interprétation reste cependant sujette à caution. Pour Trois­torrents et Val-d’Illiez, où seuls l’éloignement non précisé (sans adverbe déictique) et l’adverbe é.1 sont attestés, nos données sont clairement incomplètes; les formes spécifiques pour é.2 sont documen­tées dans la littérature secondaire consacrée à ces parlers (pour plus de précisions, voir la carte n° 24024).

Signalons enfin que Liddes, Lourtier, Orsières et Bionaz ne possèdent qu’une seule forme de pronom démonstratif (cf. la carte n° 24020 et la vue d’ensemble de la carte 24024). Lorsqu’elle est attestée (à Liddes et à Orsières dans nos matériaux), la distinction des trois degrés de la «triade démonstrative» incombe entièrement aux adverbes déictiques.