Carte n° 62120: «… que je mange». Morphologie et emploi du subjonctif présent, 1^re personne du singulier

Généralités

Les cartes n° 62110 «que je me lève» et 62120 «que je mange» explorent la morphologie du subjonctif présent pour deux verbes issus de la 1re conjugaison latine en ‑āre: le premier («lever») avec un radical non palatalisant (conjugaison 1A), le deuxième («manger») avec un radical palatalisant (conjugaison 1B). Ce dernier type de conjugaison est représenté par la carte n° 470 de l’ALF. Il n’a pas été relevé par les TP.

ALF carte n° 470 «(voulez-vous que j’aille) ou que j’envoie (quelqu’un?)»

Corpus

La carte n° 62120 a été établie sur la base de l’énoncé «Il faudrait que je mange avant midi» du questionnaire commun aux femmes et aux hommes. Plusieurs informateurs ont répondu par des reformulations («… il faudrait manger», «… je devrais manger», «que je puisse manger», etc.), ce qui explique les lacunes dans la carte.

Analyse

1. Seuls les parlers du Chablais (Vouvry, Troistorrents; Val-d’Illiez n’est pas documenté) utilisent des formes du type [mdsˈajo, mdzˈajø] qui correspondent à un présent du subjonctif étymologique de la 1^re conjugaison latine, avec un [j] d’origine analogique comme morphème du subjonctif. (Selon Fankhauser 1911: §192s., dans les parlers du Val d’Illiez, ces formes coexistaient avec des formes en [s]; voir ci-dessous et carte n° 62130.)

2. Tous les autres parlers étudiés utilisent des formes en [s, ʃ] ( [aʃ, as], [os],  [eʃ, es; øʃ, øs], [iʃ, is; ʏʃ]) qui remontent au plus-que-parfait du subjonctif latin, mais expriment désormais le subjonctif sans indication temporelle

• Dans ce groupe, le parler de Nendaz est seul à présenter une forme en [æʃ] correspondant à celle des verbes de la conjugaison 1A. Quant à la forme en -[ˈo] de Sixt, elle reflète vraisemblablement une vélarisation des formes en -[ɑs], avec une évolution ultérieure du [s] > [ɦ] caractéristique pour le parler de Sixt; ensuite, dans le parler de notre informatrice, le [ɦ] s’amuït relativement souvent (cf. carte n° 62110), alors que l’accent tonique reste sur le morphème du subjonctif.
• Partout ailleurs, on observe des désinences à voyelle tonique en -[es, eʃ, øʃ] et surtout en -[is, iʃ, ʏs, ʏʃ] . Ces dernières formes, attendues pour un verbe de la conjugaison 1B [mĩzˈiʃʊ. mdzˈɪːsɔ], etc.) sont relativement fréquentes (12 sur 22 parlers attestés).
• La forme [iʃɑʃ, ʏʃɑʃ] de Chalais et de St-Jean (cf. aussi ci-dessus la forme vwyó du point 989 Vissoie relevée par l’ALF) pourrait résulter de la propagation analogique d’une forme inchoative du type «finissasse» (avec un morphème du subjonctif en [ɑʃ]) ou d’un amal­game entre la forme étymologique en [ɑʃ] et les formes analogiques en [iʃ].

3. L’emploi de l’indicatif après «il faut» est très rare, à la différence de ce qui peut être observé dans d’autres contextes (cartes n° 62110,  62210, 62310). Il n’apparaît dans nos matériaux que dans une réponse de l’informateur de St-Jean qui ailleurs (carte n° 62110) utilise bien la forme caractéristique du subjonctif de son dialecte. Cet emploi ne peut donc pas être attribué à une maîtrise imparfaite de la morphologie verbale chez cet informateur.