Carte n° 52520: L’imparfait des verbes en -are à radical palatalisant: la 2^e personne du pluriel (2pl)

Corpus

La carte n° 52520 s’appuie sur les réponses obtenues par l’énoncé «Vous, avec quoi est-ce que vous mangiez le saucisson?» du questionnaire féminin (22 réponses utilisables). À cela s’ajoutent trois reformulations qui viennent étoffer le corpus, mais ne permettent pas de combler les lacunes.

Relevés antérieurs

La 2pl de l’imparfait des verbes de la 1^re conjugaison n’est pas documentée dans les enquêtes géolinguistiques antérieures à la nôtre (ALF, TP).

Cartographie, analyse

• morphologie de l’imparfait

À la différence des formes de la 1^re personne du pluriel où la majorité des parlers ne distingue pas les morphèmes de la conjugaison 1A (verbes à radical non palatalisant) et 1B (verbes à radical palatalisant; cf. la carte n° 52410), la distinction est beaucoup plus nette à la 2^e personne du pluriel (cf. la carte n° 52510).

(1) Avec leur morphème  [ɛv], [iɛv], [œv] ou  [iv], [ʏv], six parlers occidentaux (Troistorrents, Val-d’Illiez, La Chapelle-d’Abondance; Les Marécottes, Fully et Chamoson) présentent les formes francoprovençales «canoniques» de l’imparfait des verbes issus de la 1^re conjugaison latine en -are à radical palatalisant (conjugaison 1B). Ils conservent le [v, ʋ, w] correspondant au -b- intervocalique et les timbres vocaliques qui correspondent à la palatalisation francoprovençale de la désinence latine (‑ābātis). Quant au parler de parler de Torgnon, il a de toute façon généralisé la désinence  [iv] correspondant à la conjugaison 1B. Toutes les formes en [v] portent l’accent tonique sur le morphème de l’imparfait.

(2) Savièse présente une forme régulière de la conjugaison 1B  dans laquelle le [v] intervocalique s’est amuï, mais qui conserve l’accent tonique sur la voyelle du morphème de l’imparfait.

(3) Sixt, Bionaz et plusieurs parlers du Valais central et oriental (Conthey et Lens sur la rive droite du Rhône, Liddes, Lourtier, Isérables, Nendaz et St-Jean sur la rive gauche), ont adopté des formes analogiques sans -b- étymologique     qui correspondent à l’imparfait des verbes issus des autres conjugaisons du latin populaire tardif (< -eātis, -iātis) et dans lesquelles l’accent tonique tombe sur la désinence, le [i/j] faisant office de morphème de l’imparfait.

(4) L’emploi du morphème inchoatif analogique [(ə)s]/[(ə)ʃ]  n’est attesté qu’à Arbaz et Hérémence. Le parler de Miège présente son morphème imparfait spécifique [it]  qui n’apparaît pas avec les verbes de la conjugaison 1A.

(5) À Orsières et Évolène, les formes attestées ne montrent aucun morphème spécifique de l’imparfait. L’identification de l’imparfait se fait par la forme de la désinence.

• désinences

– Les formes caractérisées par le morphème de l’imparfait [ˈ-v-], etc. possèdent en principe une désinence atone [a], [e, ɛ] ou [ə] qui peut cependant s’amuïr complètement (cf. les formes de Val-d’Illiez et La Chapelle-d’Abondance).

– Les désinences analogiques sans [-v-] possèdent des désinences en [a, ɑ] (Conthey, Sixt, Bionaz), [e, ɛ, ɛɪ] ou [ø, ə] (Lens, Liddes, Lourtier, Isérables, Nendaz et St-Jean) qui portent l’accent tonique.

– Les deux occurrences du morphème [(ə)s]/[(ə)ʃ] (Arbaz et Hérémence) sont suivies de la désinence [ˈi] tonique.

– Les deux formes sans morphème spécifique de l’imparfait (Orsières et Évolène) possèdent une désinence en [ˈi/ˈʏ] tonique qui permet de distinguer la 2pl de l’imparfait de celle du présent qui est en [ˈa, ˈɑ] (cf. les cartes n° 51510 et 51514). Une comparaison avec les formes enregistrées à la carte n° 52530 permet de penser qu’à l’origine, ces deux formes appartenaient au type (3) ci-dessus, mais que le [j] a été résorbé par la désinence.