Carte n° 51650: Verbes irréguliers: «sortir»: 3^e personne pluriel (3pl) de l’indicatif présent

Les cartes n° 51605 à 51685 documentent la morphologie de la 3pl de l’indicatif présent. Elles sont à comparer avec les cartes 51420 à 51490: en effet, pour certains verbes, les désinences de la 1^re et de la 3^e personne du pluriel tendent à être identiques ce qui, en l’absence d’un clitique sujet, facultatif, peut poser des problèmes d’identification des formes. Pour faciliter la comparaison, nous utilisons les mêmes symboles pour identifier les désinences individuelles des deux séries.

Corpus

La carte n° 51650 s’appuie sur les données provenant de deux énoncés du questionnaire masculin: «Quand il pleut, les limaces sortent» et «Ensuite les vaches sortent. On les mène en déjeuner». Malgré un nombre relativement élevé de reformulations, surtout pour le deuxième énoné («On sort les vaches» ou «Nous sortons les vaches» au lieu de «Les vaches sortent»), nous avons pu recueillir 39 attestations; seuls les parlers d’Orsières et de Sixt ne sont pas documentés.

Relevés antérieurs

La 3pl de l’indicatif présent de «sortir» n’a pas été relevée par les enquêtes géolinguistiques antérieures à la nôtre (ALF, TP).

Cartographie, analyse

• Types lexicaux

Notre enquête a relevé la présence de deux types lexicaux synonymes pour «sortir» dans les parlers valaisans, remontant au lat. sortīre (< lat. classique sortīri ‘tirer au sort’, FEW 12: 126s.) et au lat. salīre ‘sauter’ (FEW 11: 92s.), le deuxième apparaissant dans les réponses d’Isérables et de Savièse. Les deux verbes appartiennent au même type de conjugaison en -ir; nous traitons donc leur morphologie dans la même carte.

• Suffixe inchoatif

Dans une partie des parlers valaisans, les verbes en question se sont alignés de manière analogique sur la conjugaison dite inchoative, c’est-à-dire «ils/elles sortissent» pour «sortent», caractérisée dans nos parlers par l’infixe [ɛs, ɛʃ, ɛɕ, œʃ] ou [əɕ] . Pour le type lexical ˹sortīre˺, c’est le cas des parlers «épiscopaux» de la région de Sion et de Sierre d’une part, et des parlers du Chablais de l’autre. Entre ces deux régions, les parlers du Valais central et les deux parlers valdôtains utilisent la forme sans infixe inchoatif. En partie (parlers de Miège et de Troistorrents), les deux formes, inchoative ou non, coexistent. Pour le type lexical ˹salīre˺ également, les deux conjugaisons sont attestées: avec infixe inchoatif à Isérables ([salˈɛɕ]), sans suffixe inchoatif à Savièse ([ʃˈaɑl]);

• Désinences

– Comme pour les autres verbes étudiés (cartes n° 51605, 51611, 61640, etc), la principale désinence de la 3pl, selon nos matériaux, est [-, -ɔn] (17 parlers sur 23, parfois en concurrence avec d’autres formes).

– Contrairement à d’autres verbes, la désinence [-, n] n’est pas attestée pour les deux types lexicaux étudiés ici.

– La désinence [-, n] apparaît dans trois parlers de la frange orientale de l’espace étudié (Lens, comme souvent, St-Jean et Torgnon).

– La désinence «affaiblie» [-, -ən] n’est attestée que pour deux parlers (Montana et Val-d’Illiez), sans continuité territoriale. L’amuïssement complet de la désinence ne se manifeste qu’à Chamoson où il est relativement fréquent, à côté de la forme pleine.

– La désinence -[ʏⁿ] paraît limitée à Évolène, comme pour la 3pl de «manger» (carte n° 51620).