Carte n° 51490: Verbes irréguliers: «voir», 1^re personne pluriel de l’indicatif présent

Corpus

La carte n° 51480 «nous voyons» utilise les données provenant de l’énoncé «Nous voyons les gouttes de pluie sur la fenêtre» du questionnaire masculin, à quoi s’ajoutent quelques attestations spontanées. Comme la majorité des cartes pour la 1^re personne du pluriel, celle-ci est incomplète à cause de l’emploi de «on» pour «nous» dans plusieurs parlers.

La morphologie du radical de «voir» étant relativement simple (cf. la carte n° 51320), nous regroupons sur cette carte les informations sur le radical et la désinence.

Relevés antérieurs

La forme «nous voyons» n’a pas été relevée par les enquêtes géolinguistiques antérieures à la nôtre.

Cartographie, analyse

Observations concernant le radical verbal

• La base verbale en [i, ʏ] n’apparaît ici qu’à Savièse, alors qu’elle est bien présente aux autres formes du paradigme de «voir» dans les parlers «épiscopaux» au nord et à l’est de Sion (cartes n° 51190, 51220, 51320, 51550 et 51630).
• Les formes en [e, ɛ] , diphtonguées en [vei, vɛɪ] ou pourvues d’un [j] de transition qui évite l’hiatus , sont ainsi clairement majoritaires dans l’ensemble des parlers du Valais central et oriental.
• Dans les parlers «épiscopaux» qui ont un [i, ʏ] aux personnes 1, 2, 3, 5 et 6, mais [e, ɛ, ø] à la 1^re personne du pluriel, l’alternance vocalique pourrait être due à l’emplacement de l’accent tonique: les formes en [i, ʏ] sont toutes accentuées sur le radical du verbe, alors que la 1^re personne du pluriel est généralement accentuée sur la désinence.
• Le parler d’Arbaz présente une forme contractée (monophtonguée, amalgamée) [vẽŋ] qui ne permet pas de distinguer la base verbale de la désinence.
• Les formes en [æj, aj, ɑj] sont sporadiques et apparaissent sans continuité géolinguistique spécifique (Lourtier, Isérables, Troistorrents). Probablement, le corpus recueilli est cependant trop petit pour être entièrement significatif à cet égard.
• Le [v]- initial, souvent fragile dans les parlers du Valais central et oriental, est présent dans toutes les formes attestées, contrairement aux autres formes du paradigme de «voir».
• Signalons que comme pour d’autres formes du paradigme, notre informateur de Nendaz utilise le verbe synonyme [avˈeʁ] à la place de [vˈeːʁə] ‘voir’.

Observations concernant la désinence

Les attestations pour chaque parler individuel étant peu nombreuses, les formes disponibles se présentent comme un sous-ensemble de celles qui peuvent s’observer pour la 1^re personne du pluriel du présent d’«être» et d’«avoir» (cartes n° 51440 et 51450).

• La désinence d’aperture vocalique moyenne [] , avec ou sans appendice nasal ([ɛn, ɛŋ, ɛm], etc.), parfois arrondie en [] est la plus fréquente, comme pour tous les autres verbes à la 1^re personne du pluriel de l’indicatif. Elle apparaît dans 16 sur 20 parlers attestés.
• Les voyelles les plus fermées ([] et [ẽ, ẽŋ] , etc.) sont caractéristiques pour la majorité des parlers du Valais «épiscopaux», au sud et à l’est de Sion.
• La prononciation la plus ouverte [] n’apparaît de manière isolée qu’ à Nendaz.
• Une forme isolée en -[ɔ] (dénasalisé) se trouve chez l’informatrice de Lourtier, en alternance avec les formes en [ɛ, ]. Elle pourrait être due à une influence ponctuelle du français (cf. la carte n° 51470).
• Le parler d’Évolène est le seul, dans nos matériaux, qui insère un [ʒ] d’origine analogique – sans doute sur le modèle du paradigme de «faire» – entre le radical et la désinence (cf. aussi la fin du commentaire de la carte n° 51460). Ci-dessous un exemple pour la forme qui constitue vraisemblablement l’origine de l’analogie:

d ˈatrɔ viˈazə n trətnˈ mimɔ l batʏmˈs wj lɔ zɔʀ nɔ faʒɛŋ fˈerɛ ʃn a də ʒ vrˈikɕ (Évolène)
Autrefois nous entretenions même les bâtiments, aujourd’hui nous faisons faire ça à de z-ouvriers.