Carte n° 51160: Verbes irréguliers: «faire», 1^re personne singulier de l’indicatif présent. (1) Les formes de la base verbale

⇒ Pour les généralités s’appliquant à toutes les cartes consacrées à la morphologie de la 1^re personne singulier de l’indicatif présent (n° 51110 à 51190), voir la fin du commentaire.

Corpus

La carte a été établie sur la base de tous les énoncés du corpus qui contiennent la forme «je fais», 74 occurrences en tout. Les réponses les plus systématiques proviennent des phrases «Je lui fais un clin d’œil» et «Après le repas, je fais la sieste». Pour la fréquence des formes individuelles, voir la carte n° 51161; le nombre d’occurrences des formes individuelles est cependant trop bas pour être significatif.

Cartographie

La carte n° 51160 superpose deux informations concernant la morphologie du radical:

• la nature de la voyelle: [a], [e], [i];
• la nature de la consonne finale: [z], [ʒ], absence.

Pour ne pas surcharger la carte, la question des marques morphologiques qui peuvent s’ajouter au radical (clitique sujet, désinence vocalique ou tous les deux) est traitée à part, à la carte 51161.

Relevés antérieurs

La 1sg de l’indicatif présent de «faire» n’a pas été relevée par les enquêtes géolinguistiques anté­rieures à la nôtre (ALF, TP). Une étude détaillée de la morphologie de «faire» dans les parlers romands se trouve dans l’article correspondant de GPSR 7: 23-26 et 107-108.

Analyse

Consonantisme: Tous les parlers valaisans possèdent une forme en [z] ([fˈazɔ], etc.) ou en [ʒ] ([fˈaʒo], etc.), selon la bipartition, dans les dialectes correspondants, de l’évolution du -kj- dans lat. facio. Parallèlement, on trouve des occurrences sans consonne finale ( [fi] à Val-d’Illiez, [fe] à Lens, Miège, Montana, Savièse). Il n’est pas nécessaire pour ces dernières formes de postuler nécessairement une influence du français, car [fe] est largement attesté dans les parlers francoproven­çaux (cf. les formes citées dans GPSR 7: 23b). Les formes sans consonne finale sont seules attestées dans nos points d’enquête valdôtains et savoyards.

Vocalisme : Quant à la voyelle tonique du verbe, deux types occupent le centre du domaine :

• une zone en [a] dans le Valais Central, avec un prolongement jusqu’à Chalais et St-Jean;
• une zone en [i] dans la région du Grand St-Bernard (Bionaz, Liddes, Orsières, Fully, avec un prolongement jusqu’à Val-d’Illiez), à Orsières et à Fully en concurrence avec des formes en [e].
• Autour de ces deux zones, on distingue une zone «marginale» et discontinue en [e]: (1) Arbaz, Lens, Montana; (2) Évolène, Lourtier; (3) Orsières, Fully, Les Marécottes, Troistorrents, Vouvry.

NB. Pour l’emploi des désinences et des clitiques sujets, voir la carte n° 51161.

Généralités concernant toutes les formes verbales à la 1^re personne singulier de l’indicatif présent (cartes n° 51110 à 51190)

Dans les descriptions «classiques» du francoprovençal (cf. p.ex. Martin 1990: 682), la morphologie verbale est décrite comme étant caractérisée par la conservation de la désinence -o de la 1^re conjugaison latine à la 1^re personne singulier de l'indicatif présent (lat. canto > fp. [tsˈtɔ]), étendue ensuite à toutes les conjugaisons et à d’autres temps verbaux. La 1^re personne se distinguerait ainsi des 2^e et 3^e personnes du singulier selon le schéma «1^re pers. ≠ 2^e pers. = 3^e pers.». Pour un verbe irrégulier tel que «venir», la conjugaison «canonique» serait donc du type 1sg [vˈəɲɔ] ≠ 2sg [v] = 3sg [v] ‘je viens ≠ tu viens = il vient’. La forme caractéristique du verbe à la 1^re personne pourrait ainsi contribuer à expliquer la nature facultative du clitique sujet correspondant dans un grand nombre de parlers valaisans (cf. Marzys 1964: 22 et nos cartes n° 31021 et 31031). Dans nos matériaux, cette question est abordée pour le paradigme du verbe «voir» aux trois premières personnes du singulier (cartes n° 51190, 51220, 51320) ainsi que pour le paradigme du subjonctif présent (cartes n° 62110, 62210 et 62310).

Dans les parlers de notre réseau d’enquêtes, la situation réelle est cependant bien plus complexe, raison pour laquelle nous l’étudions ici pour huit verbes à la 1^re personne du singulier: trois verbes issus de la 1^re conjugaison latine en -are (cartes n° 51110, 51120, 51130), un verbe de la 4^e conjugaison latine en -īre (cartes n° 51140 et 51141) et huit verbes irréguliers (cartes n° 51150 à 51190). Nous y abordons d’une part la nature de la désinence qui n’est pas toujours [ɔ] (ou une voyelle vélaire proche de [ɔ]: [ʊ, , o, , ]). Relativement souvent, elle se centralise ou se palatalise en [ʏ, ø, œ, ə], voire même en [e, ɛ] ou s’amuït complètement. D’autre part, nous y examinons une éventuelle corrélation entre la nature de la désinence, la forme morphologiquement marquée ou non du radical verbal des verbes irréguliers et la présence du clitique sujet.

Pour garantir une bonne lisibilité des cartes, lorsque cela s’avère nécessaire, nous scindons l’information en deux et la présentons sur deux cartes, d’une part pour les formes du radical verbal, et d’autre part pour les formes de la désinence et l’emploi des clitiques sujets.