Carte n° 51150: Verbes irréguliers: «aller», 1^re personne singulier de l’indicatif présent. (1) Les formes de la base verbale

⇒ Pour les généralités s’appliquant à toutes les cartes consacrées à la morphologie de la 1^re personne singulier de l’indicatif présent (n° 51110 à 51190), voir la fin du commentaire.

Corpus

La carte a été établie sur la base de tous les énoncés du corpus qui contiennent la forme «je vais», 172 attestations en tout. Les réponses les plus systématiques proviennent des phrases «Je vais à la montagne (à l’alpage)», «Je vais tout de suite aller à la cave» et «Je vais lui tordre le cou».

Relevés antérieurs

La forme «je vais» a été relevée par la col. 109 des TP. La carte n° 23 «je vais» de l’ALF n’apporte pas de précisions supplémentaires.

  TP col. 109 «Je vais (au marché)».

Cartographie

La carte n° 51150 superpose deux informations concernant la morphologie du radical:

• la nature de la voyelle: [i/e/ɛ], [e/ɛ], [ʏ/ø/œ], [a/ɐ]; les voyelles diphtonguées sont représentées par un trait au milieu du symbole (, ).
• la nature de la consonne finale: [z], [ʒ], absence.

Les différentes réalisations de la consonne initiale ([v, ʋ, w] ne sont pas cartographiées, mais nous indiquons par les formes dans lesquelles elle s’est amuïe (, , etc.). Pour ne pas surcharger la carte, la question des marques morphologiques qui peuvent s’ajouter au radical (clitique sujet, désinence vocalique ou tous les deux) est traitée à part, à la carte n° 51151.

Analyse

Comme pour les verbes «faire» (carte n° 51160) et «voir» (carte 51190), on distingue les formes dont le radical se termine en voyelle ([vi, vʏ, ve, vɛ, vɑ], 47 occurrences) et celles qui se terminent en consonne ([viʒ, veʒ, vɑʒ; vʏz, vez, vɑz], etc., 125 occurrences).

Tous les parlers valaisans à l’exception de ceux de Liddes et de St-Jean ont une forme en [z] ([vˈzo, vˈɑz], etc.) ou en [ʒ] ([vˈeʒɔ, ʋˈɑʒo], etc.). Ces formes sont d’origine analogique; elles se sont probablement développées sur le modèle du paradigme de «faire» ([fˈzɔ, fˈazɔ], [f'eʒɔ, fˈaʒo], etc.; cf. carte n° 51160). Dans plusieurs parlers (Conthey, Hérémence, Lens, Montana), le [v]- initial peut s’amuïr. Les radicaux sans consonne finale ([vi, vʏ, ve, vɑ], etc.) sont rares en Valais (Liddes, St-Jean, Fully et Vouvry), mais seules attestées dans nos deux points d’enquête savoyards et à Torgnon. Le vocalisme en [i, ʏ, ɑ] des radicaux sans consonne finale (, , ) montre qu’il s’agit de formes autochtones; pour les formes en [e, ɛ] (), une influence du français «je vais» ne peut pas être exclue. Nous ne connaissons aucune étude qui explique les formes du type [nu, nʊ] relevées chez les deux informateurs de Bionaz.

Quant à la voyelle tonique du verbe, l’éventail des formes attestées est nettement plus large que pour les formes analogues de «faire» (carte n° 51160), et les différentes zones, aux contours relativement flous, ne coïncident pas. Ce qui frappe surtout, c’est le polymorphisme qui caractérise de nombreux parlers: [vˈeʒ, vɑzo]. etc. à Chalais, [vˈïzəː, vˈɑz] à Chamoson, [viʒ, veʒ, vʏʒ] à Fully, [vˈɪʒɔ, vˈeʒɔ] à Miège, etc.

Malgré un nombre relativement élevé d’attestations, il est généralement impossible de déterminer s’il existe une forme «dominante» dans un parler donné.

Nos données confirment et complètent celles qui ont été relevées au début du XX^e siècle par les TP, col. 109. Par la force des choses, la forme n’étant recueillie qu’une seule fois par le questionnaire des TP, ces derniers ne peuvent cependant pas documenter le polymorphisme qui caractérise la forme de la 1^re personne du singulier dans une majorité de nos parlers.

NB. Pour l’emploi des désinences et des clitiques sujets, voir la carte n° 51151.

Généralités concernant toutes les formes verbales à la 1^re personne singulier de l’indicatif présent (cartes n° 51110 à 51190)

Dans les descriptions «classiques» du francoprovençal (cf. p.ex. Martin 1990: 682), la morphologie verbale est décrite comme étant caractérisée par la conservation de la désinence -o de la 1^re conjugaison latine à la 1^re personne singulier de l'indicatif présent (lat. canto > fp. [tsˈtɔ]), étendue ensuite à toutes les conjugaisons et à d’autres temps verbaux. La 1^re personne se distinguerait ainsi des 2^e et 3^e personnes du singulier selon le schéma «1^re pers. ≠ 2^e pers. = 3^e pers.». Pour un verbe irrégulier tel que «venir», la conjugaison «canonique» serait donc du type 1sg [vˈəɲɔ] ≠ 2sg [v] = 3sg [v] ‘je viens ≠ tu viens = il vient’. La forme caractéristique du verbe à la 1^re personne pourrait ainsi contribuer à expliquer la nature facultative du clitique sujet correspondant dans un grand nombre de parlers valaisans (cf. Marzys 1964: 22 et nos cartes n° 31021 et 31031). Dans nos matériaux, cette question est abordée pour le paradigme du verbe «voir» aux trois premières personnes du singulier (cartes n° 51190, 51220, 51320) ainsi que pour le paradigme du subjonctif présent (cartes n° 62110, 62210 et 62310).

Dans les parlers de notre réseau d’enquêtes, la situation réelle est cependant bien plus complexe, raison pour laquelle nous l’étudions ici pour huit verbes à la 1^re personne du singulier: trois verbes issus de la 1^re conjugaison latine en -are (cartes n° 51110, 51120, 51130), un verbe de la 4^e conjugaison latine en -īre (cartes n° 51140 et 51141) et huit verbes irréguliers (cartes n° 51150 à 51190). Nous y abordons d’une part la nature de la désinence qui n’est pas toujours [ɔ] (ou une voyelle vélaire proche de [ɔ]: [ʊ, , o, , ]). Relativement souvent, elle se centralise ou se palatalise en [ʏ, ø, œ, ə], voire même en [e, ɛ] ou s’amuït complètement. D’autre part, nous y examinons une éventuelle corrélation entre la nature de la désinence, la forme morphologiquement marquée ou non du radical verbal des verbes irréguliers et la présence du clitique sujet.

Pour garantir une bonne lisibilité des cartes, lorsque cela s’avère nécessaire, nous scindons l’information en deux et la présentons sur deux cartes, d’une part pour les formes du radical verbal, et d’autre part pour les formes de la désinence et l’emploi des clitiques sujets.