Carte n° 42220: Verbes en -āre à radical palatalisant (conjugaison 1B): le participe passé «baillé» (< lat. bajulātu) ‘donné’

Généralités

Les cartes n° 42110 à 42220 documentent la morphologie du participe passé des verbes réguliers de la 1^re conjugaison (lat. ‑>ātu, ‑āta) selon la bipartition de ces verbes qui est caractéristique pour le francoprovençal:

– les cartes n° 42110, 42120 et 42130 (*assēdĭtātu, *assedĭtāta ‘assis, assise’) et 42140 («compté») pour des verbes sans radical à effet palatalisant (conjugaison 1A),

– les cartes n° 42150, 42151 et 42152 («tiré»), 42210, 42211 et 42212 («mangé») et 42220 («baillé» ‘donné’ < lat. bajulātu) pour les verbes dont le radical exerce une influence palatalisante (conjugaison 1B).

Corpus

Le participe passé «baillé» ‘donné’ a fait l’objet de l’énoncé «On lui a donné une fessée. Il a les fesses rouges» du questionnaire commun aux deux sexes. 48 informateurs sur 50 ont produit l’énoncé dialectal correspondant, mais les tournures alternatives sont assez nombreuses. Les deux témoins de St-Jean ont utilisé le verbe [dnˈɑ], comme pour l’infinitif (cf. la carte n° 41230; pour la concurrence de «bailler» et «donner» en Suisse romande, cf. GPSR 5: 865a, où les parlers du Val d’Anniviers sont considérés comme une zone de résistance à l’avancée du type «bailler»). Sept témoins ont utilisé le verbe «fouetter» («on l’a fouetté»). Les attestations supplémentaires, dans des énoncés spontanés, sont rares, de sorte que les parlers de Lens, Miège, Val-d’Illiez et Vouvry ne sont pas attestés.

Relevés antérieurs

Le participe passé «baillé» fait l’objet de la col. 391 «il m’a donné» des TP. Les formes recueillies montrent une grande homogénéité des formes, à l’exception de l’évolution phonétique du -l- palatalisé. La carte ALF n° 417 «(il lui a) donné» n’apporte pas d’informations supplémentaires.

Cartographie, analyse

Les désinences du participe passé de «bailler» dans les parlers documentés correspondent très majoritairement aux formes attendues pour un verbe de la conjugaison 1B (cf. les formes analogues de «mangé», carte n° 42211):

– Les désinences [-ʎa, -ja], etc. correspondent au résultat attesté depuis l’ancien francoprovençal pour les participes en -ātu après radical palatalisant (Hafner 1955: 65s.). Dans nos parlers, ces formes ne se confondent pas avec le résultat de la conjugaison 1A (cf. les cartes n° 42110 et 42140): leur [a] peut se centraliser en [ɐ], mais ne se vélarise pas en [ɑ] > [ɔ].

– La désinence [jə] de Chamoson reflète sans doute la tendance phonétique bien documentée dans les parlers valaisans de centraliser toutes les voyelles antérieures et postérieures, en l’occurrence, ici, le [a] étymologique.

– La désinence [jʊ] n’est attestée qu’à Bionaz – dont le parler tend à généraliser de manière analogique la désinence [ʊ] de la conjugaison 1A à la plupart des verbes de la conjugaison 1B – mais ici à côté de la forme régulière [-ʎˈa].

– Vraisemblablement, les désinences [ʎe, jɛ] qui apparaissent à Sixt, Nendaz et Torgnon, toujours à côté des formes en [ʎa, ja], ne sont pas étymologiques même si [ʎe, ʎɛ] est le stade antérieur, en ancien francoprovençal, de [ʎa, ja]. Plutôt que d’y voir une conservation des formes anciennes à côté du résultat actuel, nous pensons qu’elles s’expliquent de manière analogique par la forme de l’infinitif dont la désinence [ʎe, jɛ], etc. est régulière pour des verbes de la conjugaison 1B (cf. carte n° 41230). Probablement la forme [bæ] d’Évolène appartient également à cette série, avec une anticipation de la nasalité de l’article indéfini qui suit.