Carte n° 41110: Verbes en -āre à radical non palatalisant: l’infinitif d’«aller»

Généralités

Les cartes n° 41110 à 41230 documentent la morphologie de l’infinitif des verbes de la 1^re conjugaison (< lat. -āre) selon la bipartition de ces verbes qui est caractéristique pour le francoprovençal:

– les cartes n° 41110 («aller») et 41120 («vêler») pour des verbes sans radical à effet palatalisant (conjugaison 1A),

– les cartes n° 41210, 41211 et 41212 («manger»), 41220, 41221 et 41222 (irrigāre, molliāre ‘arroser’) et 41230 (bajulāre ‘donner’) pour les verbes dont le radical exerce une influence palatalisante (conjugaison 1B).

En particulier, les cartes examinent d’éventuelles influences analogiques du type 1A sur le type 1B et inversement.

Dans ce cadre, le verbe «aller» (< lat. *alāre, cf. GPSR 1: 290b), tout irrégulier qu’il soit par ailleurs, présente un infinitif parfaitement régulier et représentatif pour la conjugaison 1A.

Corpus

Les deux énoncés du questionnaire prévus pour recueillir les formes de l’infinitif d’«aller» («Je vais tout de suite aller à la cave» dans le questionnaire commun, et «Les jours de fête, je mets mon costume pour aller à la messe» dans le questionnaire féminin) ont fait l’objet d’un grand nombre de reformulations, et peu de réponses sont utilisables. En revanche, la forme apparaît souvent dans des reformulations d’autres phrases du questionnaire et dans des énoncés spontanés, de sorte que nous avons pu rassembler 196 occurrences pour l’établissement de la carte. Tous les parlers sont attestés au moins deux fois; le nombre précis d’attestations est indiqué dans le tableau des formes.

Relevés antérieurs

L’infinitif d’«aller» fait l’objet de deux cartes de l’ALF: n° 22 «aller chercher» et 1431 «s’en aller»; dans les deux cartes, les formes de l’infinitif coïncident. Les TP col. 48 ne recensent que 3 attestations valaisannes ponctuelles, dans des reformulations («aller bas» pour «descendre»): ălā à Martigny et à Évolène, a‿a à Savièse. Une vue d’ensemble succincte des formes valaisannes se trouve in GPSR 1: 283b.

ALF carte n° 22 «aller chercher»

Cartographie, analyse

– Dans nos matériaux, on trouve des infinitifs en /A/ du type [alˈa, al'ɑ], tels qu’ils sont attendus en francoprovençal pour un verbe de la 1^re conjugaison A dans 19 parlers sur 25. Les différents timbres de la désinence ([æ, a, ɑ]) alternent librement au sein des mêmes parlers. Font partie de ce groupe les parlers du Valais central qui tendent à amuïr le [l] intervocalique. À Arbaz, Conthey, Isérables, Nendaz et Savièse, les formes caractéristiques sont donc du type [a'ɑ, ɑˈɑ], etc.; elles peuvent se monophtonguer en [a] ou [ɑ].

– À cela s’ajoutent certaines formes vélarisées en [ɔ] qui peuvent également être considérées comme régulières pour un verbe de la conjugaison 1A. Elles sont attestées à Arbaz, Chalais, Fully et Lourtier, toujours en alternance avec des formes en [a, ɑ].

– Dans trois parlers (Liddes, Bionaz et Sixt), on trouve des désinences analogiques en [i] ou en [e, ɛ], qui correspondent aux formes de la conjugaison 1B (cf. la carte n° 41211). Dans trois autres parlers (Orsières, Troistorrents et Val-d’Illiez), ces formes alternent avec les formes régulières en [a, ɑ].

– Dans un certain nombre d’attestations, la voyelle tonique de la désinence de l’infinitif est centralisée en [œ, ə] ou [ɐ]. Étant donné que, selon des tendances phonétiques bien documentées dans les parlers valaisans, ces différents timbres peuvent résulter aussi bien de la centralisation des voyelles [e, ɛ] ou d’un affaiblissement des voyelles [a, ɑ], nous considérons que les formes correspondantes sont ambiguës et ne peuvent être attribuées avec certitude ni à la conjugaison régulière 1A ni a la conjugaison analogique 1B.

– À Hérémence, dans les parlers du Chablais et en Haute-Savoie voisine, dans la chaîne parlée, l’infinitif d’«aller» est susceptible de perdre sa voyelle initiale atone ([alˈa] > [la], etc.). Comme cette évolution n’affecte pas la nature de la désinence, nous n’en tenons pas compte dans les symboles de la carte.