Carte n° 36200: La morphosyntaxe du pronom objet direct de la 3^e personne du pluriel: les formes du masculin et du féminin pluriel

En francoprovençal comme dans toutes les langues romanes voisines, le pronom objet direct de la 3^e personne (singulier et pluriel) a les mêmes bases étymologiques que l’article défini (< lat. illum, illam, illos, illas). Les cartes correspondantes présentent donc de nombreuses ressemblances. Néanmoins, les formes du pronom ont développé certaines particularités qui n’apparaissent pas pour celles de l’article défini.

articles définis et pronoms objets directs de la 3^e personne: cartes correspondantes.

Corpus

Le pronom régime «les» a fait l’objet de 11 énoncés, deux dans le questionnaire commun, trois dans le questionnaire féminin, six dans le questionnaire masculin.

• Huit énoncés documentent les formes féminines: «Les aiguilles pour tricoter, les femmes les achètent à la mercerie/au magasin du village», «(Les fleurs) Nous les mettons dans des pots», «(Les vaches) On les mène en déjeuner», «On les laisse paître jusqu’à midi», «On les trait entre trois et cinq heures de l’après-midi», «On les mène souper», «(Les boilles à lait) Il faut les laver avec de l’eau bouillante», «Les côtes de bettes, on les plante à la lune montante».
• Trois énoncés comprennent des formes masculines: «Ma grand-mère n’achetait pas ses habits. Elle les cousait elle-même», «Les chaussettes (la forme dialectale correspondante, «chaussons», est masculine), c’est moi qui les ai tricotés», «Les couteaux, les fourchettes et les cuillères, je les range dans le tiroir de la cuisine».
• Dans ces énoncés, deux formes au moins («les acheter», «les avoir») se trouvent en position prévocalique; dans les parlers qui tendent à amuïr le [l] initial («les laisser» [en ʑ aɕ] ‘on les laisse’, IsérablesM; «les laver»: [e po ɑprˈɪ ʒ ɑwˈɑ] ‘et puis après les laver’, ArbazM), le nombre de formes prévocaliques peut être plus élevé.
• Certaines reformulations empêchent l’apparition de la forme attendue, de sorte que les formes masculines et les formes prévocaliques ne sont pas attestées partout.
• Sur 13 réponses théoriquement possibles (16 à Vouvry), nous avons tout de même recueilli 11.84 occurrences en moyenne par parler, 296 attestations en tout.

Relevés antérieurs

Le pronom «les» régime est présent dans les cartes n° 12 «moi, je ne les aide pas» et 535 «il faut les y (mener)» de l’ALF. Les formes savoyardes de la carte n° 12 montrent que le pronom «les» a été pris comme masculin. Les formes de la carte n° 535 sont difficiles à analyser, le verbe principal à l’infinitif n’étant pas reproduit et l’un des deux pronoms pouvant être omis. Dans les TP, le pronom régime «les» n’a pas été relevé.

ALF, carte 12B «moi, je ne les aide pas»

Cartographie, analyse

• Comme pour l’article défini, les parlers du Chablais et de la Haute-Savoie distinguent en principe les formes masculines (, [lʊ, ʊ], etc.) et féminines (, [le, e], etc.). D’après les attestations masculines [lʏ] () et [ɛ] () recueillies à Troistorrents et à la Chapelle-d’Abondance, l’opposition semble cependant légèrement menacée.

• Tous les autres parlers ont neutralisé l’opposition de genre au pluriel; les différentes formes attestées (, , , ), avec ou sans [l] initial, alternent librement, dans les parlers respectifs, sans aucune différenciation formelle.

• Dans les parlers d’Arbaz, de Conthey, de Nendaz et de St-Jean, nous avons recueilli des formes préconsonantiques «renforcées» du type [eʒø, ɛʒə, ɛʒɛ, əʒə] (, ) qui complètent le mini-paradigme du pluriel [nɔʒe] (1^re personne), [vɔʒe, ɔʒe] (2^e personne) qui s’est développé dans les parlers du Valais central qui tendent à amuïr le [l] et le [v] initial (cf. les cartes n° 34030 et 35040). Comme pour les autres formes du paradigme, ces formes alternent librement avec les formes de base.

• À titre d’exemple, nous reproduisons quelques cas de non-emploi caractéristique du pronom régime ( dans la carte,     dans les transcriptions).

• À Bionaz, on remarque l’emploi enclitique du pronom régime dans les temps verbaux composés:

lə tsəwsˈ nɪ fɪ lə mɛ (Bionaz)
Les chaussettes j’ai fait-les moi.