⇒ Pour les généralités s’appliquant à toutes les cartes consacrées à l’expression de la possession (n° 23010 à 23060), voir le commentaire de la carte de synthèse (23100).

Carte n° 23060: «Leur, leurs»: le possessif singulier et pluriel de la 3^e personne du pluriel

Corpus

Les possessifs «leur, leurs» étaient prévus dans 4 énoncés du questionnaire. Les réponses les plus complètes proviennent de la phrase «J’ai vu cinq biches s’enfuir avec leurs petits» du questionnaire commun. D’autres phrases du questionnaire («Le jour du mariage, ils verront pour la première fois leur neveu d’Amérique» et «Ils verraient leur erreur s’ils prenaient le temps de réfléchir») ont également fourni quelques attestations, mais ont souvent fait l’objet de reformulations: «Ils verraient leur erreur …» peut devenir «Ils verraient qu’ils se sont trompés»; «leur neveu» et «leur chemise» sont le plus souvent rendus par l’article défini («le neveu», «la chemise»). En revanche, certaines attestations spontanées supplémentaires viennent étoffer le corpus.

Morphologiquement, dans tous les parlers où elles sont attestées, les formes du singulier et du pluriel sont identiques; de plus, l’adjectif possessif ne se distingue du déterminant que par l’emploi de l’article défini. Nous avons donc pu regrouper tous les résultats dans la même carte.

Dans certains parlers tels qu’à Hérémence, il existe un danger d’homophonie entre la forme du possessif et celle de l’article défini masculin singulier ou pluriel. À Évolène, l’article défini masculin singulier régime est [lɔ], le déterminant possessif de la 3^e personne [low] (cf. Pannatier 1995: 109, 124). Dans la chaîne parlée, il est cependant parfois impossible de distinguer les deux formes. Étant donné que l’emploi du déterminant possessif est très rare à Évolène et que la forme de l’adjectif possessif articulé est effectivement attestée [lœ l tɔːʃ] ‘les leurs torts’, nous interprétons les tournures du type [lɛ fn lɔ nik] comme attestations du possessif zéro (‘elles font le nid’). Au pluriel, où l’article défini est [lʏ]/[l], le danger de confusion ne se présente pas.

Cartographie, analyse

Dans nos matériaux, le déterminant possessif est attesté dans tous les parlers valaisans à l’exception d’Hérémence; il manque également à Bionaz et Torgnon. Les formes des deux genres sont partout du type [lʊʀ] (‹ lat. illorum), avec quelques variantes phonétiques dues aux évolutions divergentes du groupe -ll- ([ʎø, ɔr, ʊoʀ]) et à la présence ou l’absence du /r/ final [lur, lɔ, ø].

	Les formes avec [l]- initial [lʊr], [lɔ], [lʏ] sont présentes dans tout le Valais (LensF [awˈe lʊr pətˈɪk] ‘avec leur(s) petit(s)’, SavieseF [pre pʊ loː famˈɪlɛ] ‘prier pour leur famille’, etc.).
	Les formes sans [l]- initial [ɔɹ], etc. et [ø] n’apparaissent qu’à Arbaz et à Chamoson.
	Les formes avec palatalisation du -ll- latin ([ʎˈyø], [ʎø], [jø], [lɥɛʁ]) constituent une petite zone à l’ouest du Rhône (Vouvry, Troistorrents, Val-d’Illiez et Les Marécottes).
	Le seul parler valaisan qui utilise la forme de la 3e personne du singulier [ʃə] au pluriel aussi (comme cela se fait par ailleurs aussi en espagnol) est celui d’Isérables (cf. GPSR 3: 601, Marzys 1964: 61): [e jøː ɬɛm bˈɪʃɛ - fojˈe awˈɐ ʃə dɔˈ] (IsérablesM) J’ai vu cinq biches .. fuir avec ses (=leurs) petits.
	Le possessif zéro est assez fréquent. C’est la seule forme documentée à Hérémence et à Bionaz. Il manque cependant aux Marécottes, à St-Jean et à Val-d’Illiez.
	L’adjectif possessif précédé de l’article défini apparaît à Évolène, Sixt et Torgnon. Il n’est pas exclu qu’à Torgnon l’emploi de cette tournure soit appuyée par l’italien (le loro camicie) dans l’exemple suivant: [lɛ l ʎˈɔɪ tsʏmˈiːze  blˈaãtsɛ] (TorgnonF) Les les leurs chemises (c’)est blanches.
() ()	La tournure substitutive «pronom personnel précédé de à ou de» manque nos matériaux pour le possessif singulier et pluriel de la 3e personne du pluriel.